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Un pasteur… Un“e” pasteur(e)

 

Il fut une époque considérée comme compliquée quand on faisait partie de cette moitié de l’humanité cataloguée longtemps « mauvais genre, sexe faible ». Il n’était alors pas concevable, encore moins défendable, que ses représentantes endossent la robe pastorale, qu’elles s’adressent à une communauté rassemblée pour le culte ou encore, qu’elles président la Cène !

Aujourd’hui, voilà des acquis reconnus, acceptés, validés dans nos Églises protestantes. Il en aura fallu du temps pour reconnaître l’autre, la femme, sa valeur humaine, sa diversité, ses capacités, l’égalité qu’elle réclame encore à cor et à cri, oh ! pas loin, juste à côté…

Pouvoir endosser la robe pastorale, est-ce là la médaille légitime qu’on lui a attribuée après une lutte d’indépendance commencée sur les champs de bataille, dans les usines d’armement, dans les champs à moissonner, ou dans le champ missionnaire de l’Église ? À moins que notre Église, plutôt ouverte, n’ait accompagné cette lente revendication sociale, ou encore qu’elle ait pris la liberté d’ouvrir l’interprétation de certains textes bibliques ?

L’Église a peut-être pris tout autant le temps de réfléchir à ces trois expressions vivaces qui catégorisent, fractionnent, les membres d’une même humanité, d’une même nation, d’un même groupe, et qui ne cessent après être dénoncées, déconstruites, de se réinviter sournoisement. Ces expressions disent la menace qui pèse sur l’égalité, l’unité, la considération et le respect de l’altérité… Elles sont tout autant le poil à gratter de ceux qui prétendent parler au nom du bien commun, de la solidarité et du salut collectif que des composantes des discours politique, religieux, associatif d’aujourd’hui.

Première expression : le fameux cliché ou l’image figée de celle qui me fait face, dupliquée, amplifiée, transmise de génération en génération, dans une culture donnée. Simple, précis, signifiant, ce cliché porte un caractère unificateur parce que partagé, même inconsciemment, par le plus grand nombre. Il repère, catégorise, souligne les différences entre, pour prendre un exemple, la femme fatale, la gentille fille, la sainte… Inutile de vous les dessiner, vous voyez déjà de qui je parle… Cependant toute photographie a son négatif, sa rigidité qui restreint l’altérité de l’autre, sa richesse, sa lumière, sa vie. Qui plus est, le cliché ne sert-il pas de matière première au stéréotype ?

Ah le stéréotype, encore plus fort que le cliché. Car, avec lui, on entre dans le domaine de la croyance. On est sûr des caractéristiques que l’on prend pour regarder la femme qui se tient devant nous. Ah les femmes, toutes les mêmes… « Les blondes, des bombes ! » « Les brunes, des pas toujours commodes »…

En temps de crise, les stéréotypes se font durs, intolérants. Ils servent à se distancier de ceux qui pourraient bien être considérés comme des empêcheurs de tourner en rond ou de sérieux concurrents, ou de réels obstacles à une virilité ou une féminité conquérante… Des stéréotypes repris, amplifiés hier comme aujourd’hui par la sphère médiatique et qui permet à ces derniers d’ouvrir des champs nauséabonds de propos salaces, méprisants, ou d’attitudes profondément sexistes.

Des stéréotypes dénoncés par les hashtags, ces alertes pointant le sexisme, le racisme, le diktat de l’apparence physique, du genre… Autrement dit, tout ce qui supporte et encourage les injustices et la violence. Ils ont pourtant la vie dure… Qui est stéréotypé perd d’ailleurs ce qui fait de lui un individu unique. Il est devenu une catégorie, une identité sociale qu’on envie ou dont on se méfie…

Tiens et à force de stéréotyper, on finit par préjuger… des capacités, de l’autre, de cette femme dans l’Église qui prend une place qu’elle ne devrait pas prendre… — « Comprenez, elle n’a pas le bagage qu’une communauté attend d’un pasteur, et puis c’est une femme, elle n’a donc pas l’autorité requise, la carrure, le charisme nécessaire pour s’adresser à tous ou pour convaincre son auditoire… » — « Vous vouliez mon avis ? Cette femme m’indiffère vous savez ; elle n’entre même pas dans le champ d’une fraternité possible, d’un cheminement commun… Elle n’est pas à sa place… Mauvais genre ! Tenez, d’ailleurs, si on se réfère à la Bible… »

Et c’est ainsi depuis la nuit des temps…

L’Homme parque, il cadre, il étiquette, il se fait une représentation, une image, un cliché… Et des dieux, puis de Dieu, des autres et de tous ceux qui gravitent autour de lui… Pourquoi ? Peut-être parce qu’il ne connaît pas cet autre dont il se méfie, dont il attend parfois tout, et la vie, et la survie, et la reconnaissance ; ensuite parce que pour laisser un peu de place à cet autre, il lui faut un peu se dépouiller lui-même, de son ego, de ses croyances, de ses appartenances. Il lui faut franchir ses limites, faire un effort.

Pour vivre et découvrir le sens de l’altérité, la richesse de la rencontre et du partage, notre homme a besoin d’être désarçonné, renversé, bouleversé, converti à l’autre… Et pour cela, il lui faut éprouver le besoin de l’autre… donc travailler sa part d’humanité !

 

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À propos Anne Heimerdinger

est pasteure de l’Église protestante unie de France (Costières et Vidourle I)

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