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Confession et déclaration de foi

Une affaire de vocabulaire ?

En protestantisme, on appelle certains textes soit « confessions » soit « déclarations » de foi. Ils ont en commun de formuler les convictions qu’on tient pour essentielles, dont on considère qu’elles expriment le centre, le cœur ou le noyau de ce que croit, enseigne, prêche une Église ou un groupe de fidèles.

« Confession » et « déclaration » sont des termes voisins. L’étymologie le montre. « Confession » vient du verbe latin confiteri qui appartient initialement au vocabulaire juridique. Il signifie : « décliner son identité devant un tribunal et lui rendre compte de ses actions ainsi que de celles dont on a été témoin ». Le verbe latin declarare qui a donné « déclaration » veut dire : « rendre clair, mettre en lumière, sortir du secret et porter à la connaissance ». Dans les deux cas on dit publiquement qui on est, ce qu’on a fait et ce qu’on a vu. On ne se tait pas, on ne se cache pas, on ne se déguise pas ; on s’explique et on s’expose devant les autres.

Si on se réfère à leur origine, les expressions « confessions » et « déclaration » de foi apparaissent largement équivalentes ; dans bien des cas on utilise indifféremment l’une ou l’autre. Le cours de l’histoire a pourtant amené à établir entre elles des nuances et des distinctions qui ne sont pas partout ni tout le temps les mêmes. Selon les époques et selon les courants théologiques, elles varient. J’ai repéré trois manières de situer ces différences souvent subtiles et difficiles à saisir. La première renvoie à la situation historique de ces textes ; la deuxième à leur nature ou visée ; la troisième à leur portée théologique.

Temps et circonstances.

Au XVIe siècle, les protestants ont produit un grand nombre de « confessions de foi » pour exposer leurs convictions et indiquer ce qui les séparait de l’Église romaine. Ainsi, pour ne citer que les plus importantes, du côté des luthériens, la Confession d’Augsbourg (1530), du côté des réformés, la Confession de La Rochelle (1559) et la Confession helvétique postérieure (1566). À cette époque d’affrontements brutaux, ceux qui rédigent et adoptent ces textes risquent d’être emprisonnés et exécutés. Ils mettent leur liberté et leur vie en danger.

En 1872, se réunit le seul synode réformé « général » et officiel de tout le XIXe siècle français. En 1938, se tient un synode qui regroupera la majorité des réformés français, auparavant éparpillés en plusieurs organisations ecclésiales, dans l’Église Réformée de France. Pour présenter principes et orientations, ces deux synodes votent des textes qu’ils intitulent Déclaration et non Confession de foi. Pourquoi ? Plusieurs participants aux débats l’expliquent par une situation historique différente de celle de la Réforme. En 1872 et en 1938, en adhérant à ces textes, on ne court pas le risque d’être inquiété et sanctionné. On ne s’expose pas au martyre (au sens de souffrance physique pour une cause).

En parlant de déclaration plutôt que de confession, on évite de s’égaler aux ancêtres et on leur rend hommage. Même si on s’en proclame, avec respect et reconnaissance, héritiers, même si on entend témoigner de la même foi, on a conscience que le contexte a heureusement changé et qu’on n’est pas, comme eux, aux prises avec des persécutions religieuses.

Nature et visée.

Une autre distinction se rencontre fréquemment chez certains luthériens. Ils considèrent que la différence entre confession et déclaration de foi ne tient pas tant aux temps et aux circonstances qu’à la nature et à la visée même des textes.

La confession de foi, disent-ils, pose les principes fondamentaux qui valent à toute époque et dans toute situation. Par contre, la déclaration indique ce qu’à une époque et dans un pays donné, ces principes signifient et comment ils s’appliquent sur le terrain. Par exemple, une confession de foi affirmera que tous les êtres humains sont enfants de Dieu ; une déclaration de foi en tirera la conséquence que l’apartheid des années 80 en Afrique du Sud est contraire à la foi chrétienne.

En 1934, dans la ville allemande de Barmen (banlieue de Wuppertal), un synode clandestin regroupe des luthériens et des réformés opposés pour des raisons religieuses au nazisme. Ce synode se déclare « confessionnel », entendant par là s’inscrire dans la ligne des confessions de foi de la Réforme. Il vote néanmoins une « déclaration », rédigée en grande partie par le réformé Karl Barth, déclaration qui condamne fermement l’idéologie hitlérienne et les courants du protestantisme qui lui sont favorables. Aux yeux de Barth, ce texte est une « confession » (ainsi la désigne-t-il dans sa Dogmatique). Ceux qui l’ont adopté ou qui s’y sont ralliés, se sont mis en danger et, effectivement, beaucoup l’ont cher payé. Cependant, on a préféré parler de « déclaration », beaucoup de luthériens estimant que ce texte ne se situait pas au même niveau que la Confession d’Augsbourg (et que les « écrits symboliques » qui entourent celle-ci).

Cela ne signifie pas que pour eux la déclaration de foi aurait moins de poids que la confession. Elles définissent l’une et l’autre ce qu’est la fidélité chrétienne. Mais la déclaration se situe dans le cadre d’une situation particulière et en dépend, alors que la confession, plus générale, vaut en toutes circonstances. Elles sont également nécessaires et se complètent.

 Portée théologique.

À la fin du XVIIIe siècle, un véritable tournant religieux est pris en Europe. On voit apparaître de nouvelles manières de vivre, de sentir et de penser la foi. On passe d’un vétéro-protestantisme (celui de la Réforme et de l’âge classique) à un néo-protestantisme qui, tout à la fois, le continue et le transforme. Un des aspects de cette mutation concerne la nature même de la doctrine. Traditionnellement, on considérait que la foi consistait, non seulement mais pour l’essentiel, à adhérer à des doctrines qui, déduites de la Bible, disent exactement qui est ou ce qu’est Dieu, ainsi que ce qu’en Jésus Christ, il fait pour les hommes. Le néo-protestantisme met en valeur un autre aspect de la foi (qu’on n’ignorait pas auparavant, mais qu’on soulignait moins) : elle est un lien existentiel et une relation vivante avec Dieu. Dans le Nouveau Testament la foi est avant tout confiance en Christ, confiance qui oriente toute la vie du croyant et donne sens à celle-ci.

Dans cette perspective, la confession de foi exprime cette confiance laquelle s’en remet au Christ. Marie-Madeleine murmurant au Ressuscité : « Rabbouni », en donne l’exemple et le modèle (Lc 20, 26). Elle ne professe pas une doctrine concernant Jésus, elle adhère à sa personne ; elle le reconnaît comme le maître de sa vie.

Cette confiance, il importe, bien sûr, de la penser, de se demander comment on peut ou on doit la formuler et la concevoir. Ce que fait la déclaration de foi : le croyant y exprime et y explique par le moyen de doctrines comment il comprend sa foi. La relation existentielle est fondamentale, elle est l’essence de la foi. L’expression de cette confiance est secondaire ; elle peut prendre des formes diverses et changer selon les temps et les situations.

Le « cartouche » qui dans la plupart des numéros présente les orientations théologiques d’Évangile et Liberté s’apparente (même si on n’a pas voulu l’intituler ainsi) à une « déclaration de foi » telle qu’on vient de la définir. Il affirme « la primauté de la foi sur la doctrine », alors que les positions dites « orthodoxes » ont tendance à les assimiler.

 

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À propos André Gounelle

est pasteur, professeur honoraire de l’Institut Protestant de Théologie (Montpellier), auteur de nombreux livres, collaborateur depuis 50 ans d’Évangile et liberté.

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