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Pour un christianisme qui passe les bornes

Vers l’infini, par l’au-delà …

Ce titre est une version détournée de la devise de Buzz l’Éclair, personnage du film Toy Story. Buzz n’est qu’un jouet mais il se prend pour un véritable héros interplanétaire chargé de sauver l’humanité des menaces qui la mettent en péril. Quand il arrive dans la chambre du petit garçon dont il est le jouet, le Shérif Woody va essayer de lui faire comprendre qu’ils ne sont que des jouets.
Voici une introduction pas très sérieuse, me direz-vous, pour une revue de théologie. Mais ne sommes-nous pas, bien souvent, trop sérieux et n’est-il pas utile de nous rappeler que nous ne sommes que des jouets ballotés par la vie qui font de leur mieux pour tenter d’être, de temps en temps, des héros à leur modeste échelle.
Par ailleurs, cette phrase culte de la culture populaire pourrait bien être, si on y réfléchit un peu, un résumé saisissant du message de Jésus de Nazareth transmis par les évangiles.

C’est en tout cas la thèse de cet article qui tente de répondre à la question fondamentale que Jésus pose aux hommes de tous les temps, selon les quatre évangiles unanimes sur ce point : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? ».

Jésus, un homme en marche qui prône le dépassement permanent

En détournant les notions religieuses traditionnelles d’infini et d’au-delà, on pourrait bien s’approcher au plus près de la vérité du message de Jésus de Nazareth.

Il est en effet, par ses paroles et par ses actes, un spécialiste de l’au-delà. Mais d’une manière inattendue.
Sans arrêt, il ne cesse de franchir les limites sociales et de dépasser les règles religieuses, pour aller vers un au-delà de lui-même afin d’écouter l’autre dans sa souffrance. De même, il pousse celui qu’il rencontre au-delà de lui même et de la prison de sa vie, prison construite par des règles sociales déshumanisantes ou par le conditionnement religieux.
Par ce dépassement permanent de soi au-delà des limites du raisonnable, Jésus de Nazareth nous conduit vers un infini que nous avons coutume d’appeler, Dieu, vérité ultime d’une vie portée à son incandescence.
Le mode de vie nomade de Jésus, marche perpétuelle vers l’autre, est une contestation de l’ordre établi qui tente sans arrêt de mettre des barrières pour protéger les privilèges acquis, de créer des séparations pour organiser un entre-soi confortable.
Etre chrétien, dans cette logique, c’est tenter d’être le plus humain possible en cherchant sans cesse à repousser les limites du raisonnable, à soulever la chape de plomb qui veut éteindre les lueurs d’espérance et étouffer les enthousiasmes libérateurs.
Le christianisme, plus qu’une religion, doit être une philosophie de l’action et une éthique en marche fondées sur le dépassement de toutes les limites qui nous enferment, d’un dépassement de soi pour construire une humanité basée sur la vie en abondance pour tous, sur l’empathie et la bienveillance vis à vis de tous ceux qui croisent notre route.

Jésus, un immigré clandestin et un exilé porteur d’un ailleurs

Jésus est l’homme du franchissement de toutes les frontières, une sorte d’immigré clandestin qui s’est invité dans la Palestine du premier siècle, au grand dam des autorités religieuses en place.
Par sa manière d’être, ses paroles, ses actes il s’est aussi invité dans nos vies en nous mettant au défi de dépasser nos limites en l’accueillant, en allant vers lui, en répondant à son appel et en le suivant.
Jésus est celui qui est toujours au-delà d’où on l’attend, celui qui nous pousse à franchir, à notre tour, toutes les frontières qui nous emprisonnent pour aller au-delà de nous mêmes.

Immigré clandestin il est sans arrêt dans l’illégalité depuis la première frontière franchie. Ainsi, il est dans la précarité de celui que les autorités condamnent et poursuivent sans relâche.
Délinquant récidiviste, non content d’avoir commis un premier « crime » social, il persiste et s’entête dans cette mauvaise voie, accumulant, comme par plaisir, les mauvais choix et les mauvaises fréquentations.
Pire, il semble ne pas se rendre compte du mauvais exemple qu’il donne et encourage tout ceux qu’il rencontre à l’imiter. Et plutôt que de se cacher, il s’affiche sans honte avec tous ceux qui le suivent.

Comme un exilé, il porte en lui la lumière du royaume de son père, promesse d’amour et de liberté. Comme un exilé il cherche à partager son altérité avec ceux qu’il rencontre, espérant qu’ils entendront son appel.
Et comme un exilé il prêche souvent dans le désert, il dérange par l’étrangeté de son langage et de ses manières, ils bousculent les conforts établis par la précarité de son mode de vie, il met mal à l’aise les égoïsmes installés par l’appel au partage avec ses frères de misère, les exclus de la société.

Jésus, un homme révolté qui incarne une possibilité de résurrection de l’homme

Se comportant avec cette liberté tous azimuts au mépris de toutes les règles sociales et religieuses de son époque et même de la nôtre, non par provocation mais pour porter la vie à son incandescence, Jésus est le prototype de l’homme révolté tel que l’entendait Albert Camus. Pour celui-ci, en effet, « le seul moyen d’affronter un monde sans liberté est de devenir si absolument libre qu’on fasse de sa propre existence un acte de révolte. »

Ainsi, Jésus est un homme qui a fait volte face par rapport au monde dans lequel il vivait.
C’est un homme qui a su dire « non » quand il considérait que certaines limites avaient été dépassées dans le non respect de la dignité humaine. Il n’a pas hésité à renverser les situations établies et à mettre en cause les préjugés les plus ancrés, au nom de la justice et de l’amour.

Mais Jésus est un homme qui a dit un grand « non » au nom d’un immense « oui ».
Ce « oui » auquel il a cru au prix de sa propre vie, c’est cette richesse commune qu’il perçoit au sein de chaque homme. Au nom du respect sans condition d’une nature humaine qu’il considère comme naturellement bonne, il refuse de sacrifier un seul homme réel au nom d’une seule idée, fût-elle la plus belle des idées.
Il refuse de sacrifier le présent à un avenir idéal. Il n’est donc pas un homme qui veut nous faire rêver à un au-delà du temps et de l’espace, dans un « ailleurs » et un « plus tard » qui nous consolerait de nos misères actuelles, ici-bas. C’est au contraire un homme qui nous appelle à la révolte contre tout ce qui aliène l’homme et l’empêche de tendre, dans un élan divin, vers une vie en abondance, ici et maintenant.

Mais Jésus ne défend pas seulement des idées, il incarne les vertus indispensables à une résurrection de l’homme. Il sait faire preuve d’une forme de tendresse vis à vis de ceux qu’il rencontre, d’attention aux autres, de générosité, de réceptivité et de vulnérabilité.
Ainsi, il les libère de leurs chaînes pour leur permettre de révéler leur richesse intérieure. Il refuse l’absurdité d’une vie qui se termine par la mort, non pas en imaginant une vie après la mort sur laquelle il faudrait baser toute notre foi, mais en se battant pour rajouter de la vie à cette vie.

Il prône un monde où l’homme a le souci du prochain et en particulier du plus faible, du plus oublié, du plus réprouvé, en rupture avec le fonctionnement du monde et sans craindre de menacer les fondements des pouvoirs en place.
Pour lui, le Royaume de Dieu est déjà là et doit s’incarner dans nos comportements quotidiens et dans le moindre de nos choix.

Jésus, un homme libre et libérateur

Jésus est un amoureux de la vie dont toutes les attitudes et les paroles sont des appels à la vie. A une vie juste, pleine et entière, ici et maintenant. Une vie qui a foi en l’avenir et l’intelligence de l’homme. Une vie qui pense que chaque instant peut être un recommencement.

Cette attitude si absolument libre apparaissait aux autorités de son époque comme un acte de révolte intolérable. Par son existence entière et par toutes ses paroles il se montrait totalement insoumis et donc dangereux. Il contestait les fondements mêmes d’une société basée sur un dévoiement de la foi au bénéfice des institutions religieuses et au détriment des plus pauvres et des exclus.
Il n’hésitait pas à recourir à une certaine violence verbale pour dénoncer les trahisons et les mensonges. Jésus était un homme révolté en colère contre la bien-pensance qui justifie l’injustice faite aux plus pauvres et aux exclus de la société. Dans une société conformiste, immobile et sans liberté, sa vie d’insoumis en marche et libre de toute attache était insupportable.
En même temps, sa vie et ses paroles étaient un appel à poser des limites à l’avidité, aux abus de pouvoir, à la corruption, au contrôle du groupe par l’individu, à la volonté de tout maîtriser dans sa propre vie.

Et la caractéristique de sa vie est une liberté tous azimuts qui s’incarne dans ses paroles, ses gestes et ses actes et qui est un appel à la liberté de toute l’espèce humaine. Une liberté qui passe par un amour total et sans barrière. Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu qui libère l’homme et Jésus nous montre le chemin de cette libération : celui de l’amour total du prochain. Toute sa vie est une parole divine créatrice d’un espace nouveau pour l’épanouissement de l’homme. Cette parole est un appel à une révolution des valeurs en rupture avec l’ordre établi. Elle est un appel à la créativité de chaque vie individuelle. Elle est une interpellation, parfois violente dans les mots voire dans les gestes, de notre passivité et de notre indifférence.
Jésus nous met au pied du mur de notre responsabilité face à l’injustice du monde, il nous met au défi de répondre à l’appel au secours porté par nos frères et en particulier les plus petits d’entre eux.
Cet appel divin s’adresse à chacun d’entre nous mais aussi à nos Eglises de manière collective. Si elles veulent redevenir crédibles, les Eglises doivent prouver leur capacité à prendre en compte la modernité dans leur organisation, dans leurs pratiques cultuelles au-delà des simples discours d’intentions.

Jésus nous libère de nos préjugés et de nos peurs pour une vie en abondance

Dans l’évangile de Jean (Jn 10.10), Jésus déclare qu’il est venu « pour que les hommes aient la vie en abondance. »
Pour obtenir ce résultat, Jésus a transgressé les divisions tribales, a brisé les préjugés et surmonté les peurs qui séparent les hommes.

Le tribalisme est un réflexe instinctif de survie lié à l’histoire de l’apparition de l’homme sur cette terre et donc très ancré dans la partie le plus archaïque de l’esprit humain. Il vient combler un profond sentiment d’insécurité.
Or cette manière instinctive d’être aux autres, qui donne la priorité à la survie, déshumanise l’homme tout en le rassurant. Elle fait monter le niveau de violence et de haine car la tribu a besoin d’un ennemi pour renforcer son unité.
L’une de ses manifestations fortes est le sentiment religieux. C’est pourquoi, beaucoup de préjugés ont une origine religieuse. Les religions, y compris le christianisme tel qu’il s’est exprimé dans l’histoire, se sont souvent construites sur l’idée de l’entre-soi et de la séparation, de la mise à part, de la pureté et de l’impureté, de la faute et de la rédemption.
De ce point de vue, les religions traditionnelles sont un frein et non une aide au développement de l’humanité.
Jésus est essentiellement venu pour que les hommes brisent les frontières tribales (Ga 3, 28) qui les opposent et qui empêchent le plein développement de la vie.

Seule la libération de la haine de l’autre permettra à l’homme d’avoir la vie en abondance comme Jésus le proclame dans l’évangile de Jean (Jn 10.10)
C’est pourquoi il a trouvé face à lui autant d’opposition des autorités religieuses et politiques jusqu’à sa mise à mort. C’est aussi pourquoi son message essentiel a été largement camouflé par le christianisme institutionnel.
Cette conception erronée de la religion est largement la conséquence d’une idée d’un Dieu protecteur mais sévère, séparé de l’homme et qui agit sur la vie humaine. A travers Jésus, le sacré n’est plus séparé du réel mais en devient l’expression.
Comment cela s’est-il manifesté dans les paroles et les actes de Jésus ? Cela s’est exprimé dans les évangiles par la place donnée à des personnages n’appartenant pas au judaïsme et sur l’appel à annoncer la Bonne Nouvelle au monde entier.

Les préjugés sont aussi une technique de survie très profondément ancrée en nous. Elle consiste à créer une image de l’autre qui permette de le détester. La victime du préjugé est identifiée, puis toutes nos faiblesses et nos peurs sont projetées sur elle que nous pouvons ainsi détester en toute bonne conscience.
Dans les évangiles, Jésus fait éclater les préjugés en accordant des rôles positifs et en fréquentant des personnes que la société condamne comme les samaritains, par exemple.
Pour lui, les préjugés sont un obstacle à l’humanité car il ne doit pas exister de limite qui empêche d’en aider un autre. Jésus ne respecte pas les règles religieuses quand elles ne produisent pas l’amour et ne permettent pas une vie en abondance. Sa liberté s’opposait frontalement aux règles en usage et était ressentie comme une provocation.
Jésus a vécu pleinement sa vie en se libérant de tout esprit de tribu, de tous les préjugés, de toutes peurs et de toutes règles religieuses, qu’elles qu’en soient les conséquences.

Jésus nous appelle, nous aussi, à surmonter nos peurs afin de ne pas abaisser autrui pour nous sentir en confiance. Ainsi nous pourrons accéder à Dieu à travers une humanité pleine et entière.
Le plein épanouissement de l’homme s’est totalement exprimé en Jésus et c’est ce à quoi il nous appelle pour notre salut. C’est ce qu’on ressenti ceux qui l’ont rencontré. Une possibilité d’une autre qualité de vie a été expérimentée.
Dans cette perspective, être chrétien consiste à tenter d’être un être humain pleinement épanoui et accompli comme le fut Jésus, manifestant de manière ultime ce qu’est Dieu.

Jésus nous libère d’une fausse image de Dieu et de nous-mêmes

Ce qui caractérisait Jésus pour ceux qui l’ont rencontré, c’était son autorité.

Cette autorité se manifestait dans la liberté avec laquelle il parlait et avec laquelle il s’affranchissait des coutumes et des convenances, qu’elles soient familiales, sociales, religieuses ou politiques.
Ainsi, il contestait l’autorité des spécialistes de la Loi et des castes religieuse en général (scribes, pharisiens et sadducéens) non parce qu’elles étaient les milieux dirigeants mais parce qu’ils s’auto-proclamaient parfaits et imposaient un fardeau trop lourd aux petits, par leur pouvoir et leur manière d’interpréter la Loi.
Ils enfermaient Dieu dans leurs convenances sociales. Jésus redonne à Dieu sa liberté.
De même, il était très libre à l’égard des politiques qu’il ne craignait pas.

A l’inverse, Jésus était à l’aise avec les gens de mauvaise réputation, les « mal-pensants », les exclus, les femmes, bref tous les gens considérés à un moment ou un autre comme impurs.
Il transgressait les préjugés sociaux, les règles de conduites admises non par provocation mais parce qu’il considérait que certaines oppressaient l’homme et l’empêchaient de parvenir à son plein épanouissement.
De même, sa parole était libre et montrait une grande autorité dans l’interprétation de la Loi.

Jésus commence par nous libérer d’une fausse image d’un Dieu autoritaire et vengeur.
Jésus nous libère ainsi de la haine par le pardon, un pardon sans limite qui est porteur d’avenir et ouvre à une liberté nouvelle. Le pardon de Jésus n’est pas une caution à l’oppresseur ni un appel à la passivité de l’opprimé.
Jésus ne nous donne pas une réponse toute faite à tous les maux, ne constitue pas ni un programme politique ni un programme social.
Jésus nous autorise surtout à être nous-mêmes et à rencontrer Dieu dans la rencontre avec l’autre et à nous libérer de nous-mêmes.

Jésus nous appelle à l’engagement dans le monde et à la responsabilité

Jésus nous invite à renoncer à notre volonté de tout contrôler et de tout dominer et au contraire à faire confiance, à partager et nous mettre au service de l’autre.
A travers Jésus, Dieu nous encourage à être co-créateur du monde en nous y engageant. Il nous appelle à être acteur de l’histoire et à prendre notre part de responsabilité en pensant qu’une autre vie est possible dès maintenant. En nous incitant à user de notre liberté et de notre intelligence, la révolte de Jésus a des conséquences politiques radicales en induisant un autre rapport de l’homme au monde.

Un double mouvement se produit alors : un renversement et un déplacement. 
Le renversement concerne l’abandon du besoin de posséder qui nous fait passer de la position de maître à celle de serviteur. La possession nie l’autre ou le transforme en objet, le partage le réintroduit en tant qu’être pleinement humain. 
Le déplacement qui se produit alors, nous faire passer d’un côte à côte méfiant et compétitif et un face à face dans le dialogue, l’échange et la confiance.
On entre ainsi dans un choix inconditionnel de la justice, de la vie et de l’amour qui nous fait sortir de nos certitudes et entrer dans une dynamique du don où l’imprévisible devient la règle, ou les amarres sont larguées, où la précarité pousse à se dépasser.

Sa vie et sa parole sont aussi un appel à la joie vraie, trouvée dans l’imprévu de l’échange avec celui qui n’est ni maître ni esclave mais frère. Pas une joie désincarnée, philosophique ou théologique. L’engagement à ses côtés n’est pas un choix intellectuel fait de belles déclarations mais un engagement concret de vie qui se situe à un niveau individuel et collectif.
Dans la période d’incertitudes multiples que connaît l’humanité, ce message de liberté et de responsabilité offre la possibilité d’un monde nouveau fonctionnant sur le partage.
Jésus appelle à une humanité qui n’est pas de l’ordre de la reproduction à l’identique mais de la liberté, du miracle qui crée de nouvelles possibilités, du passage dans une autre dimension de vie par le message de Pâques.

Pâques, un appel à passer les bornes et à se révolter contre l’ordre établi

Pâques nous oblige à passer d’une dimension à une autre, d’une adhésion intellectuelle à un engagement concret, des bonnes intentions à l’action, de l’arrière-garde à la première ligne.
Pâques est un appel à passer à l’acte (aux actes) créateur qui ressuscite l’humanité, qui ajoute de la vie à la vie, qui crée une vie plus grande, qui nous fait passer de la mort d’une vie sans perspective, d’une vie étriquée et refermée sur soi, d’une vie stérile à une vie pleine, tournée vers l’infini, ouverte à l’autre, fructueuse.
Comme toute la vie de Jésus, Pâques est le franchissement d’une frontière, du dépassement d’un abattement, d’un au-delà de la mort vers la vie éternelle de la parole de celui qui est mort. Jésus est celui qui est allé au-delà des apparences vers la vérité des hommes.
Pâques nous appelle à aller au-delà des apparences de sa mort.
Ainsi, cet appel à la vie en plénitude qu’il incarnait dans sa propre vie a été compris après Pâques comme une image de Dieu. Cette humanité entière nous pousse à oublier notre sécurité et à nous libérer des frontières tribales.

Sa vie et sa parole sont subversives et créatrices d’une révolution des valeurs, en appelant l’homme à inventer son avenir en toute liberté. Sa vie et sa parole remettent en cause l’ordre établi et dénoncent les mensonges pour ressusciter l’homme. C’est une vie et une parole qui placent l’homme devant sa liberté et sa responsabilité.
Les chrétiens après la résurrection sont appelés à poursuivre dans cette voie.
Et la caractéristique de sa vie est une liberté tous azimuts qui s’incarnait dans ses paroles, ses gestes et ses actes et qui était un appel à la liberté de toute l’espèce humaine. Une liberté qui passait par un amour total et sans barrière. Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu qui libère l’homme et Jésus nous a montré le chemin de cette libération : celui de l’amour total du prochain.

Avec Jésus, s’est opérée une rupture dans la pensée religieuse. Avec lui, le sacré ne se situe plus dans les bâtiments religieux, dans les cultes et dans les rites mais au cœur de la vie des hommes. Avec lui la parole divine n’existe que si elle s’incarne dans une vie d’homme.
Il appartient donc à chaque génération et au-delà à chaque homme de réincarner cette parole pour la faire vivre.

Quelle Eglise pour transmettre fidèlement le message de Jésus de Nazareth ?

Dans ces conditions, on peut s’interroger sur la nécessité de l’institution d’une Eglise chrétienne qui, par définition, implique pesanteur des habitudes qui s’installent, lourdeur des dogmes qui se constituent, travers des luttes de pouvoir qui s’organisent.
Toute l’histoire de l’Eglise n’est-elle pas celle d’une fossilisation de la vie et du message de Jésus de Nazareth ?
Là où il y avait le mouvement et la liberté d’une vie portée à son incandescence, on a créé des règles, des interdits, des rites.
Là où il y avait de la fluidité et du mouvement on a créé des rigidités et des institutions.
Là où il y avait de l’égalité, de l’amitié et de la solidarité, on a créé de la hiérarchie, de l’animosité, de la concurrence.
N’est-ce pas cette sédentarisation d’une pensée profondément nomade et en mouvement qui a très vite détourné les chrétiens organisés du message originel ?

Cette question de fidélité au message d’origine prend une acuité et une actualité particulière dans une période marquée par une forte déchristianisation des sociétés occidentales et un recul marqué de la pratique religieuse. 
Au moment où le message proposé par les Eglises instituées trouve de moins en moins d’écho, n’est-il pas temps de revenir à une plus grande fidélité au message de Jésus de Nazareth et à une organisation radicalement différente des communautés de disciples de Jésus de Nazareth.
Cette désaffection des Eglises constituées n’est-elle pas une chance de construire, en lieu et place de nos paroisses plus ou moins fermées sur elles-mêmes, des communautés ouvertes qui intègrent tous ceux qui croient à la nécessité de construire un monde où la vie portée à son incandescence pour tous, est l’objectif ultime.
Des communautés plurielles qui considèrent le dépassement des limites, le renversement des barrières, le franchissement des frontières, la sortie de l’esprit tribal, la destruction des préjugés comme une philosophie de vie et une éthique de l’action.
Il faut sortir des Eglises qui fonctionnent sur le rassemblement des mêmes, sur la ressemblance, sur la familiarité pour aller vers des communautés qui font se rencontrer les complémentaires, s’enrichir les différences et qui fonctionnent sur l’acceptation de l’étrangeté.
Au lieu de rechercher le confort de la sédentarité et la tranquillité d’une Eglise sédentaire et établie, allons vers des communautés multiples qui acceptent l’inconfort d’une foi en marche et l’intranquillité de communautés nomades à géométrie variable.
C’est, à l’évidence, un chantier délicat mais à ouvrir d’urgence.

A quoi devrait-on reconnaître les disciples de Jésus de Nazareth ?

Si on suit la réponse qui a été donnée, dans cet article, à la question posée par Jésus (« Et vous, qui dites-vous que je suis ?), quel portrait peut-on dresser des disciples de Jésus de Nazareth ?

Ils sont appelés à être des êtres humains en marche qui prônent un dépassement permanent des limites, une renversement des barrières, un franchissement des frontières qui empêchent le vie de s’épanouir en toute liberté et l’homme de s’accomplir totalement en allant vers son frère.
Ils doivent être des accoucheurs de vies en devenir, des sauveteurs de vies perdues, des guides dans l’obscurité de vies sans lumière, des mains tendues vers des vies submergées.
Ils ne peuvent pas être raisonnables, résignés, sans joie ni satisfaits d’eux-mêmes, imbus de leur savoir, soucieux de leurs privilèges ou sans générosité ni enthousiasme.
Ils se doivent d’être des immigrés clandestins dans le monde déshumanisant qui se construit sous nos yeux sous l’influence de l’égoïsme, de l’appât du gain, de la soif de pouvoir et de la haine de l’autre.
Ils se doivent d’être des délinquants récidivistes qui ne respectent pas les règles biaisées d’un jeu truqué, les idées dominantes mais fausses, la facilité du prêt-à-penser, la bien-pensance d’une société satisfaite d’elle-même, les bonnes manières d’un entre soi trop confortable.
Ils se doivent d’être des exilés porteurs d’un ailleurs et soucieux de le faire partager ici et maintenant. Ils doivent être des vecteurs d’étrangeté et d’hétérogénéité.
Ils se doivent d’être des grains de sel qui font ressortir les saveurs de ce monde, des épices qui lui donnent plus de force, des grains de sable qui l’empêchent de tourner en rond.
Ils se doivent d’être porteurs d’une révolte contre l’absurdité et l’injustice du monde qui donne du sens à la vie, qui rend sans cesse possible une résurrection de l’homme et une renaissance du monde.
Ils doivent défendre sans relâche la dignité pour tous, ici et maintenant.
Ils doivent incarner dans leur vie les idées qu’ils prônent dans leurs discours.
La première d’entre-elles étant la liberté, ils se doivent d’être totalement libres, si libres que cela en devient intolérable pour tous les pouvoirs en place. Ils se doivent d’être dérangeants, insoumis voire en colère quand il s’agit de dénoncer des hypocrisies et des mensonges car cette liberté n’est pas une recherche individuelle tournée sur elle-même mais un combat pour la libération de tous les êtres vivants, par un renversement des préjugés et un dépassement des peurs sur laquelle est construite la mentalité tribale de préservation de ceux qui me ressemblent contre ceux qui sont différents.

Le temps est venu d’une nouvelle Pâques qui nous libère d’une fausse image de Dieu et de la religion.
Nos anciennes représentations issues du monde ancien doivent être mises à mort afin que ressuscite le message originel de Jésus de Nazareth. Ainsi nous pourrons cheminer vers une nouvelle Pentecôte plus fidèle à l’esprit divin.

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À propos Jean-Pierre Capmeil

Docteur en géopolitique. Impliqué dans la catéchèse de l’Oratoire du Louvre entre 2014 et 2016 et à présent dans la communication du Foyer de l’Âme.

2 commentaires

  1. marieke.cayol@laposte.net'

    Avant d’adhérer à une nouvelle organisation, il me paraitrait normal de connaitre la liste des membres du conseil d’administration, l’organisation et les objectifs…
    Je me sens bousculée et un peu embarquée d’office !

  2. Bonjour,
    Je découvre votre commentaire aujourd’hui.
    Le site n’est plus utilisé.
    Afin que je puisse vous répondre, pourriez-vous m’écrire à
    rapporteur@libre-croyant-e.com ?

    Bien cordialement.
    Marc Delcourt,
    Rapporteur de l’UPLP

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