Église et crises

« Oh ! quel plaisir, quel bonheur de se retrouver entre frères ! », chantons-nous au psaume 133. Mais il y a aussi tous ces moments de crise, ces moments où cette fraternité et cette humanité heureuses se retrouvent confrontées à des manifestations brutales et violentes qui sont aussi leurs travers.

Cette humanité, comme un corps malade, est traversée de crises. Que ce soient les populations les plus défavorisées qui sont plus durement touchées que d’autres au moment des tremblements de terre, des dérèglements climatiques, ou même des grandes pandémies qui, hélas reviendront ou bien encore lorsque la guerre est déclarée comme nous l’avons connu il y a très peu de temps en Ukraine.

Ces crises humanitaires, quelles qu’elles soient, viennent toujours questionner l’Église sur sa place et son action au cœur de ces crises. Sans doute la vague de réfugiés fuyant l’Ukraine en guerre aura-t-elle mis en évidence ce questionnement : « Que doit faire l’Église en temps de crise ? »

La réponse semblerait presque évidente : il faut être là et accueillir. Pourtant cette réponse n’est pas si évidente. Et se poser la question de la place de l’Église en temps de crise revient à se poser la question de ce qu’est l’Église et ensuite de savoir si elle doit faire avec les autres ou faire comme les autres.

Nous faisons de l’Église quelque chose en soi. Le Credo en fait même un objet de croyance. Elle peut donc être comprise – et souvent nous l’assimilons à cela – comme une communauté. C’est-à-dire un groupe qui a des biens en commun. Ici ce serait la foi ou la croyance qui se définirait comme commune et unique pour ceux qui sont membres de l’Église. En cela l’Église peut être quelque chose en soi, une structure. Mais alors, elle a sa vie à côté des autres structures qui existent. Et en cas de crise elle pourrait organiser ses propres actions comme les autres associations qui ont pour objet, justement, de répondre aux besoins de telles ou telles populations touchées. L’Église, en tant qu’elle serait existante, agit dans un « à côté ». En ce sens l’Église en temps de crise se place dans un « faire comme les autres » au risque même d’être en concurrence avec ceux qui savent faire et qui le font bien.

Mais nous pouvons aussi comprendre l’Église dans son sens étymologique : une assemblée.

Une assemblée n’est pas de l’ordre de l’être en tant qu’existence, organisation ou structure. L’Assemblée est de l’ordre de l’événement qui surgit, qui est suscité ou qui est convoqué. L’Église est le moment où, comme le disent les évangiles « deux ou trois se réunissent en son nom ». L’Église, c’est donc un « quand » (quand on se réunit pour le culte, quand on se réunit en étude biblique, quand on se réunit pour quoi que ce soit dès lors que cette réunion est en lien avec la foi des participants) et pas un « où » qui indiquerait la présence de l’Église par un lieu.

Dès lors son action en temps de crise, ou dans toute action qui touche à ce qu’on appelle la diaconie, ne peut pas se concevoir comme un agir de l’Église. En tant qu’elle est assemblée réunie en un temps, l’Église ne peut être que force de mobilisation. Il ne s’agit donc pas de faire comme les autres mais de faire avec les autres.

Le rôle de l’Église est d’être cette assemblée où l’on entend un message qui nous engage à aller donner de son argent, de son temps, à ceux qui en ont besoin pour en aider d’autres. Le discours de nos Églises doit être, au nom de l’Évangile, d’appeler à s’engager, à être responsable et actif. La parole qui est prêchée du haut de nos chaires ou partagée dans nos groupes ne doit pas rester pour le groupe, pour une Église qui se voudrait communauté mais elle doit être reçue pour être diffusée dans le monde et pour que ceux qui l’entendent s’engagent au cœur de ce monde avec tous ceux qui s’engagent au nom de leur idéal.

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