La foi (ou la non foi)

L’Église se doit d’être accueillante et ouverte pour être fidèle à l’Évangile. Or elle ne cesse de présenter des croyances comme obligatoires et des normes à ce que doit être l’expérience religieuse. Un certain nombre de chrétiens se sentent bien dans ces cases prédéfinies, tant mieux pour eux. Mais, à cause de cela, il y a aussi un nombre considérable de personnes qui s’excluent elles-mêmes de l’Église en pensant qu’elles n’y ont pas leur place ; soit parce que ce qu’elles pensent ne correspond pas à ce qu’elles croient être la pensée de l’Église, soit parce qu’elles ne ressentent pas ce que les « bons croyants » appellent « la foi ».

Or une véritable Église que l’on pourrait appeler « libérale », en fait tout simplement fidèle à l’attitude de Jésus dans nos évangiles, doit être ouverte. Inlassablement, elle doit faire comprendre à ceux qui s’excluent eux-mêmes de l’Église qu’il y a une place pour eux.

Doctrinalement, le mouvement « Évangile et Liberté » est clair sur la question quand il affirme « la primauté de la foi sur les doctrines », mais cela exclut-il toujours la tentation de faire d’une doctrine non orthodoxe une nouvelle orthodoxie ? Est-il envisageable, par exemple, que celui qui croit tout bien aux miracles, à la résurrection corporelle de Jésus et au reste se sente bien dans une paroisse dite « libérale » ? Sur ce point, ne soyons pas trop sévères. On ne peut pas prêcher tout à la fois, et la doctrine « classique » est si souvent représentée que la liberté de croire passe par des lieux où on peut justement en sortir. Il est donc important qu’il y ait des pôles où l’on présente une foi en Jésus-Christ qui ne soit pas nécessairement celle que l’on enseigne un peu partout, mais une interprétation moderne, rationnelle du message de l’Évangile. Et justement, une prédication engagée dans ce sens peut permettre d’ouvrir des brèches, faire des ouvertures, et casser les barrières faites par les idées préconçues que se font bien des gens sur ce que l’on devrait croire en tant qu’authentique chrétien.

Mais il ne faut pas en rester là. Affirmer « la primauté de la foi sur les doctrines » comporte aussi un risque : faire de la foi une condition nécessaire. Or il y a nombre de personnes qui ne ressentent pas, ou peu, le sentiment religieux, qui ne savent pas prier. Cela peut être par nature ou par éducation. Et ainsi nombre de personnes s’excluent encore d’elles-mêmes de l’Église parce qu’elles pensent « ne pas avoir la foi ». Or, là encore, il est important d’ouvrir les portes de nos Églises. Il y a une place pour les chrétiens intellectuels, ceux qui s’intéressent au message de l’Évangile, qui aiment réfléchir, approfondir, mais n’ont pas de tempérament mystique. La foi, au sens de l’expérience religieuse ne doit être ni un critère, ni une barrière excluant quiconque.

Aujourd’hui, où nombre d’Églises sont dans le repli identitaire, une quantité croissante de personnes se sentent ou se pensent exclues de l’Église, ce qui n’est pas très grave, mais aussi du religieux, ou de l’Évangile, ce qui est dramatique. Il y a ainsi non seulement une place pour une Église authentiquement ouverte et accueillante, mais aussi une nécessité que l’Église puisse être un lieu où chacun est bienvenu comme il est, avec sa croyance parfois sommaire, lacunaire ou en question, sa foi balbutiante, ou inexistante. Le Christ a dit qu’il n’était pas venu pour les bien portants… de même, l’Église ne doit pas être seulement pour les maîtres de l’orthodoxie, qu’elle soit classique ou libérale, ni pour les champions de la foi. On peut rêver d’une Église qui témoigne à tous ceux qui se sentent exclus des Églises, et qui permette de mettre à disposition de chacun ce message de vie extraordinaire, qui est l’Évangile

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