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John Viénot, la Bible et l’Homme moderne

 

N’ayez donc pas peur des alarmistes qui vous disent : si vous adoptez telle ou telle théorie, si vous accueillez tel ou tel résultat critique, toute votre foi est perdue. Ce qui perd la foi, ce sont ceux qui en font je ne sais quelle soumission servile alors qu’elle est avant tout un acte d’absolue confiance, de confiance “quand même” au Dieu sauveur. » Ainsi résonnait le verbe de John Viénot du haut de la chaire de l’Oratoire du Louvre à Paris, le 3 mai 1908. Avec ses éminents collègues Wilfred Monod et Jules-Émile Roberty, ils forment alors un trio qui marque pour longtemps l’Oratoire, cette « maison de prière, disait-il, qui est aussi une maison de liberté ». Ce libéralisme plein d’assurance, Viénot le doit d’abord à un ancrage dans un protestantisme à la fois populaire et cultivé, celui du Pays de Montbéliard. Pasteur durant quatorze ans au temple Saint-Martin, où les archives révèlent des sermons d’une profonde humanité, il s’émerveille devant le « développement de l’idée protestante » dans un pays « où son principe a été déposé comme un germe fécond ». Le luthéranisme était religion officielle de cette principauté allemande jusqu’en 1793 et le réformateur Pierre Toussain y développa l’instruction. Viénot y voit « une religion qui éclaire, qui console, qui régénère », allant jusqu’à recommander d’élargir la « méthode protestante » à la France entière. Le pasteur est très inspiré par le théologien libéral Auguste Sabatier, qu’il cite souvent : « La subjectivité protestante devient spontanéité et liberté, aussi nécessairement que l’objectivité catholique devient surnaturalisme et tyrannie cléricale. » À Rome, c’est l’époque des encycliques d’un prévisible ennui, caricaturant les réformateurs protestants en « séducteurs » qui, « sous le nom de liberté évangélique », promeuvent une « corruption de vices et une perversion de la discipline, auxquelles n’était peut-être pas descendu le Moyen Âge ». Historien de l’Église, Viénot publie en 1911 une critique en règle des prétentions romaines sur l’autorité du successeur de Pierre.

Il joue, certes, des identités confessionnelles. Non par esprit polémique, mais parce qu’à côté du pape Pie X, n’importe quelle autre doctrine passerait pour moderne. « L’aboutissement logique de la méthode protestante n’est autre que la foi dans la tolérance et la liberté », tranche le pasteur lors d’une leçon à la Faculté de théologie protestante de Paris, intitulée « Calvin et la conscience moderne ». À l’Oratoire, il justifie son souci de tenir compte des avancées de la recherche scientifique et exégétique : « L’heure est donc venue d’établir la foi profonde non plus sur des fictions, des conventions, des incantations, mais sur une base solide qui lui permettra de résister à toutes les tempêtes de l’avenir. »

Ce qui est perdu en idées fausses est regagné en perspectives nouvelles. La foi devient alors une quête qui nous donne la force de cheminer avec ceux qui nous interrogent. Face à l’épreuve ultime de la mort, le théologien fonde son espérance dans les Écritures : « Jésus-Christ enfin paraît et il apporte la révélation définitive par un mot qui me suffit : “Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais il est le Dieu des vivants” (Matt. 22,32). Il n’y a pas de critique qui puisse atteindre cette parole souveraine. » Et d’ajouter : « Ces vivants, où sont-ils ? Je ne sais, Dieu le sait. […] Déduisez philosophes, chantez, poètes, dites ce que vous croyez pouvoir conclure ou espérer. Pour moi je m’en tiens là-dessus à la sobriété de l’Écriture et de Jésus-Christ. »

 

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À propos Raphaël Georgy

est journaliste. Il collabore à l’hebdomadaire Réforme et est spécialisé dans l’éthique et l’histoire des idées. Intéressé par les dialogues interreligieux et œcuménique, il suit un diplôme à l’Institut supérieur d’études œcuméniques à Paris.

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