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La religion de la non-religion

 

L’homme serait-il religieux par nature ? Les apôtres de la laïcité sont en général convaincus du contraire. Un document issu de leurs rangs me convainc une fois de plus que c’est néanmoins le cas : Le droit d’emmerder Dieu (Grasset) de Richard Malka, une célébrité du barreau parisien. C’est le texte préparant sa plaidoirie du 4 décembre 2020 lors du procès consécutif à l’attentat qui a coûté la vie à plusieurs collaborateurs de Charlie Hebdo. Son but : rappeler aux juges qui étaient ces caricaturistes et défendre la légitimité de cette activité, y compris quand elle s’en prend à des symboles religieux. Et de s’en prendre vertement à celles et ceux qui, au contraire, prônent une attitude de respect ou au moins de retenue quand on s’en prend à ce qui touche à la religion.

C’est évidemment son droit et peut-être a-t-il eu raison de tenir ce discours-là devant la cour d’assises de Paris. Je n’ai pas à en juger. En revanche, comme il se plaît à le publier comme une contribution digne d’être prise en considération pour elle-même, presque indépendamment de son contexte d’énonciation, comment n’être pas surpris de la teneur éminemment religieuse, voire messianique, de ce texte qui se voudrait justement non religieux !

Praticien et théoricien en homilétique protestante, je ne peux qu’être frappé par la tournure générale de ce discours : il ne cesse de me rappeler l’éloquence de chaire. L’avocat, en l’occurrence, ne cesse de s’adresser à ce qu’il faut bien appeler l’âme des juges. Et son argumentation culmine à mi-parcours lorsqu’il porte aux nues la Déclaration des droits de l’homme qui, en 1789, a « sacralisé la liberté d’expression ». Il voit même cette liberté culminer dans la « libre critique des religions ».

Je veux bien, encore que cette liberté-là ne figure pas comme telle dans le texte de 1789. Je note en revanche qu’au passage sa critique, en l’occurrence, épargne le Nouveau Testament. Il n’empêche que, pour lui et au sens où il l’entend, la Déclaration de 1789 a une portée universelle. La vénération qu’il a pour elle, toute légitime qu’elle soit, semble bel et bien prendre sous sa plume les allures d’une religion – la religion de la non-religion !

Cela dit, Richard Malka a évidemment raison, une fois de plus, de rappeler qu’aucune caricature, même la plus salace ou la plus apparemment sacrilège, ne saurait justifier la perpétration d’un attentat ou atténuer la culpabilité de ses auteurs devant un tribunal humain. Quant à leur destinée éternelle, ce n’est heureusement ni à une cour d’assises ni à des avocats d’en juger.

 

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

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