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Les religions en dialogue en Suisse

 

Chaque canton a sa propre modalité de gestion du religieux (surtout en ce qui concerne le financement, notamment des Églises historiques protestantes et catholiques), et cela passe par les plateformes et les associations pour le dialogue interreligieux qui prennent en charge cette mission à forte dimension intégrative. L’association IRAS COTIS (1992) fait la promotion, au niveau national, des activités des associations partenaires au niveau cantonal. Dans le canton de Vaud, c’est l’association de l’Arzillier (1996) qui assume l’organisation d’événements interreligieux en proposant des conférences, des ateliers et des visites de communautés. La semaine des religions, qui a lieu chaque année en novembre, est un moment clé de la vie de l’association. Néanmoins, cette série d’événements est peu connue du public. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de communication mais cela témoigne d’une mutation de fond dans la pratique du dialogue interreligieux en Suisse, notamment dans les cantons francophones. Il est difficile de dire si cette mutation est transposable dans d’autres contextes en Europe ; cela mériterait de s’y pencher. Pour l’instant, nous resterons en Suisse romande, et surtout dans le canton de Vaud, pour délimiter quelques enjeux du dialogue interreligieux aujourd’hui qui traverse une phase de mutation tout en offrant des perspectives prometteuses.

Une mutation discrète

D’emblée nous pouvons nous demander en quoi ces évolutions consistent, avec ce que cela implique en termes de vivre ensemble et de pratique. En effet, les défis ont changé pour plusieurs raisons assez évidentes mais significatives, entraînant un impact fort sur ce type d’activité associative. Une première cause du changement, et cela traduit une réussite, est la bonne intégration intégration des communautés religieuses. Et cela demande logiquement un repositionnement. L’ancrage sur la durée, dans un contexte pacifié et de respect mutuel, montre que le modèle helvétique, sur ce plan, est exemplaire à défaut d’être idéal. Réussite certes, mais cela a conduit aussi à une perte d’intensité et d’intérêt pour cette dimension de la vie civile. La réussite a un coût. La deuxième cause tient à la pratique trop confidentielle du dialogue interreligieux ; cela intéresse un nombre restreint de personnes dans les Églises historiques (même si, dans le canton de Vaud, l’association est financée majoritairement par les Églises réformées et catholiques). À cela, il faut ajouter qu’il a pris de plus en plus une dimension officielle, donc plus codifiée, rigide, et attendue. La volonté de s’inscrire dans un système représentatif trouve rapidement ses limites. On peut se réjouir de la photo officielle d’un imam serrant la main à un pasteur ; cela rassure une société qui comprend de moins en moins les religions (au moins ils ont l’air de s’entendre entre eux), mais cela ne génère pas de dynamique particulière en dehors des personnes impliquées de près dans ce dispositif.intégration des communautés religieuses. Et cela demande logiquement un repositionnement. L’ancrage sur la durée, dans un contexte pacifié et de respect mutuel, montre que le modèle helvétique, sur ce plan, est exemplaire à défaut d’être idéal. Réussite certes, mais cela a conduit aussi à une perte d’intensité et d’intérêt pour cette dimension de la vie civile. La réussite a un coût. La deuxième cause tient à la pratique trop confidentielle du dialogue interreligieux ; cela intéresse un nombre restreint de personnes dans les Églises historiques (même si, dans le canton de Vaud, l’association est financée majoritairement par les Églises réformées et catholiques). À cela, il faut ajouter qu’il a pris de plus en plus une dimension officielle, donc plus codifiée, rigide, et attendue. La volonté de s’inscrire dans un système représentatif trouve rapidement ses limites. On peut se réjouir de la photo officielle d’un imam serrant la main à un pasteur ; cela rassure une société qui comprend de moins en moins les religions (au moins ils ont l’air de s’entendre entre eux), mais cela ne génère pas de dynamique particulière en dehors des personnes impliquées de près dans ce dispositif.

Les nouvelles pistes

La semaine des religions a montré que le dialogue interreligieux devait se trouver une nouvelle voie pour maintenir sa pertinence et son développement. Nous pouvons acter la première phase de construction de ce dialogue axé principalement sur les logiques représentatives. L’important n’était pas tant le thème de la discussion que la demande que tout le monde y soit, et porte un message de paix et de conciliation. Nous n’entrerons pas plus dans les détails, mais c’était une avancée importante. Désormais, les nécessités du dialogue interreligieux ont changé dans le sens d’une plus grande surface de plausibilité sociale. Il s’agit aujourd’hui de restituer les enjeux du dialogue à l’ensemble de la société, y compris, et surtout, pour celles et ceux qui n’ont plus d’appartenance religieuse. La Suisse romande, sous les statistiques encore flatteuses pour les religions historiques, cache une désaffection croissante de ses citoyens pour le fait religieux, notamment dans le cadre institutionnel et traditionnel. La chance du dialogue interreligieux est, dans une certaine mesure, d’échapper à ce cadre jugé étroit et opaque des communautés. Ce dialogue peut proposer une approche transversale des religions où l’appartenance et la régulation ne sont plus aussi centrales. Au cœur du projet se vit la découverte de la religion de l’autre dans son amplitude et sa largesse, là où elle nous rejoint tous et toutes.

Il est essentiel de redécouvrir à quel point la religion est d’abord un facteur de paix, d’intégration et de cohésion sociale avant d’être une cause de tensions. Afin de construire ces nouveaux ponts (les ponts de convivialité sont un lieu commun du lexique de l’interreligieux). Le dialogue a besoin d’épaisseur historique, de récits, de témoignages qui dépassent le champ du normatif ou de l’explicitation du calendrier et des fêtes. La religion ne peut pas être repoussée dans le registre du folklore ou de l’observation distanciée. Dans le dialogue, elle se met en scène et porte un idéal, une utopie, qui nous rappelle ce qui nous lie, ce que nous avons de commun à travers la démultiplication des récits disséminés et particuliers. Le commun ne réside pas dans les similitudes ou dans la quête comme telle. De manière plus profonde, il est dans la soif même de se raconter, que ce soit à travers les textes sacrés, la littérature ou l’art. Le commun n’est rien d’autre que de pouvoir dire quelque chose de sa foi, et de l’offrir à l’autre, sans le convertir ni le convaincre. Pour lui dire que nous avons confiance en sa propre quête, pourvu qu’il nous la donne en partage.

 

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À propos Dimitri Andronicos

éthicien, est co-directeur de Cèdres Formation depuis 2016.

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