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Un appel à l’exégèse

 

Ce livre très dense, au style remarquable, est un plaidoyer, un appel, une apologie, un discours raisonné, une mise en garde ! Tout cela à la fois pour convaincre ses coreligionnaires de continuer à lire la Bible avec la rigueur de l’exégèse, à l’heure où il est vital de « réaffirmer les choix de la Réforme ».

Françoise Smyth est une théologienne protestante, professeure honoraire à la faculté libre de théologie de Paris où elle enseignait le Premier Testament et les langues du Proche-Orient ancien. Elle a formé des générations de théologiennes et théologiens devenus pour beaucoup pasteurs. Ils se souviennent de sa passion pour faire surgir un monde englouti qu’il convient de connaître pour éviter les contresens mortifères. La passion est intacte et c’est sans détour que Françoise Smyth pointe les dangers de l’émotion quand elle remplace la réflexion, du courant littéraliste qui « utilise le texte de l’Ancien Testament ou du Nouveau Testament pour lui faire dire ce qu’il veut ». Rappelons-nous que la Réforme s’est inscrite « dans le refus [du] (…) monde de ceux qui se pensent habilités à juger au nom de Dieu des normes qui devraient gouverner les sociétés et les personnes ». Or, « la Bible ne dicte rien ». « La vocation du texte est toujours de libérer pour faire vivre. L’utiliser à ses fins propres est un contresens. » Gardons-nous de « la violence faite à un texte (…) lorsqu’un verset, devenu slogan, s’affirme « Parole de Dieu » au service de telle monomanie, phobie, idéologie, jusqu’à une mobilisation intégriste ou à la guerre sainte ».

Le lecteur trouvera quelques exemples tirés du Premier et du Nouveau Testament qui l’amèneront à se méfier des lectures trop simplistes pour préférer la « conversation », la confrontation avec le texte. « Ainsi le lecteur respectueusement attentif découvre les débats qu’a connus une société souvent en lutte pour sa survie, travaillant ses propres structures sociales. Mais sans cette attention, on court le risque de bâtir une orthodoxie ou une orthopraxie ». Françoise Smyth rappelle utilement que la démarche exégétique n’est pas réservée aux spécialistes et que nous disposons aujourd’hui d’un appareil critique accessible. « Les protestants ont besoin d’une sorte d’entraide programmée pour permettre une vraie liberté de chaque lecteur ou lectrice, inventant dans la confiance « son » meilleur sens ici et maintenant ».

Le dernier chapitre, Fidèles à l’avenir, adressé « aux enfants de la Réforme (…) amoureux de la lecture », est une sorte de manifeste pour faire vivre dans les Églises les principes énoncés. Ce qui implique de permettre aux pasteurs de consacrer leur temps principalement à lire et à réfléchir pour « l’interprétation en situation » (l’herméneutique) ; de former rigoureusement les catéchètes pour que nos enfants n’apprennent pas n’importe quoi ; de ne pas craindre le conflit et la prise de décision, dans le respect des institutions qui favorisent le débat et l’échange. Mais surtout, d’éviter la tiédeur et les faux-semblants. « Les choix des Églises de la Réforme sont toujours des choix faits ici et maintenant. Il ne peut en être autrement puisqu’ils répondent à l’expression d’une parole reçue ici et maintenant. Il n’y a pas d’infaillibilité », pas de magistère.

Il est temps de lire, librement, avec son coeur (le siège de l’intelligence chez les Hébreux) !

 Françoise Smyth, Protestantismes, Paris, Cerf, 2021, 99 pages.

 

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À propos Olivier Guivarch

est secrétaire national d’une fédération syndicale de salariés, après avoir étudié la théologie protestante et exercé le métier de libraire. Il participe au comité de rédaction depuis 2004.

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