Accueil / Dossier / Albert Schweitzer : foi, raison et compassion

Albert Schweitzer : foi, raison et compassion

 

Le 10 juillet 1905, à Paris, un jeune homme envoie à Alfred Boegner, le directeur de la Société des Missions de Paris, une lettre qui va changer le cours de sa vie. À trente ans, il est un prédicateur apprécié de ses ouailles, qu’il place sans détour en face des exigences éthiques du Maître, Jésus ; par ses cours sur le Nouveau Testament, il exerce une forte influence sur ses étudiants à l’Université de Strasbourg, alors même que, en tant que « chargé de cours (Privatdozent) », ses enseignements ne sont pas obligatoires ; auteur d’un maître ouvrage sur Jean-Sébastien Bach, il est aussi un interprète reconnu des œuvres pour orgue du Cantor de Leipzig, qu’il s’efforce de faire connaître tant à Paris qu’en Alsace ; il est docteur en théologie et en philosophie (thèse sur Kant). Pourtant, après des années de réflexion et d’hésitations, Albert Schweitzer est désormais prêt à tout quitter pour se consacrer à un « service purement humanitaire », projet qu’il avait formulé dès l’âge de vingt-et-un ans mais sans en connaître les contours précis. Longtemps, il a cru que cet engagement pourrait se dérouler dans l’univers qui lui était familier et que, tout en restant à son poste de directeur du « Stift », le foyer des étudiants en théologie protestante à Strasbourg, il lui serait possible d’adopter des orphelins et de les éduquer ; il a songé également à venir en aide aux vagabonds et aux sortants de prison. Contrairement à ce qu’il écrira plus tard dans Ma vie et ma pensée (1931), la lecture, à l’automne de 1904, de l’article « Les besoins de la mission du Congo » n’a pas « mis un terme » à sa quête d’enfants à éduquer : jusqu’au printemps de 1905, il a continué d’espérer pouvoir réaliser son projet initial, tout en influençant les futurs pasteurs d’Alsace au « Stift » et à la Faculté de théologie. Mais en cet été 1905, sa décision est arrêtée ; il renonce à une brillante carrière universitaire et, quelques mois plus tard, il entreprendra de longues études de médecine. La suite de l’histoire, popularisée par des films, des pièces de théâtre à succès, de la littérature pour enfants et même des bandes dessinées, est bien connue… au moins dans ses grandes lignes.

Voilà plusieurs années déjà qu’on a commémoré le 100e anniversaire de l’arrivée à Lambaréné de Schweitzer et de son épouse Hélène Bresslau (1913), puis les 50 ans de son décès (1965). Né en 1875, Schweitzer semble appartenir à un passé lointain, en tout cas révolu. En France, en dehors de l’Alsace et de certains cercles protestants, on ne le connaît guère. Pourtant, sans doute aurions-nous beaucoup à apprendre de son action humanitaire qui s’inscrivit dans la longue durée, de sa pensée cherchant à unir la compassion à la foi et à la raison, de son souci de respecter toute vie sans dénigrer pour autant l’être humain, ou encore de sa conscience des acquis du christianisme et de son espérance du Royaume. Lire Schweitzer, avec sa volonté de suivre Jésus et son éthique de la responsabilité élargie à l’ensemble de la création, constitue un puissant antidote au primat du court terme et à la dictature de l’émotion, à un christianisme de l’amour doucereux et de l’indifférente tolérance, ou encore à une écologie culpabilisatrice. Lire Schweitzer et son plaidoyer pour le respect de la vie, c’est aussi lutter sans compromis et poser des signes d’espérance, en notre époque où le trafic des êtres humains et des espèces menacées constitue l’une des principales sources de profit.

Suivre Jésus et œuvrer pour le Royaume

Le 6 janvier 1907, prêchant sur Marc 1, 17, « Je vous ferai pêcheurs d’hommes », Schweitzer fait observer à ses auditeurs : « Dans le premier commandement que le Seigneur a donné sur terre apparaît le mot “homme”. Il ne parle pas de religion, de foi, de l’âme ou d’autre chose, mais seulement de l’homme. » Schweitzer, qui, à ce moment-là, a déjà pris sa décision de partir pour l’Afrique soigner les plus démunis et étudie la médecine à ces fins, ajoute : « C’est comme s’il disait à toutes les générations futures : “En premier lieu, faites attention à ce que l’homme ne périsse pas. Suivez-le, comme je l’ai suivi, et trouvez-le là où les autres ne le trouvent plus : dans la boue, la bestialité et le mépris ; allez à lui et venez-lui en aide jusqu’à ce qu’il redevienne un “homme”. » Un an plus tard, il redira à ses paroissiens que de tous les fondateurs de religions, Jésus était celui qui était « le plus humain », celui qui avait le mieux compris les souffrances, les joies et les désirs des hommes. C’est pourquoi, jamais Schweitzer n’a été un partisan du relativisme ; jamais il n’a jugé que toutes les religions et toutes les croyances se valaient, mais son critère pour les évaluer était leur apport effectif au bien de l’humanité et non la subtilité de leurs dogmes ou l’intransigeance de leurs fidèles. « Se montrer humain, affirma-t-il dans un sermon, est, pour ceux qui se réclament de son [= Jésus] nom, le critère de la religion. »

Que pouvait dire Schweitzer, en tant qu’exégète du Nouveau Testament, sur Jésus, et à l’inverse, en quoi ce dernier pouvait-il encore parler à l’homme contemporain ? Selon Schweitzer, Jésus attendait l’avènement du Royaume de manière surnaturelle, à la suite d’une catastrophe cosmique. Il partageait sur ce point l’espérance de ses coreligionnaires, tout en estimant que, par sa passion, il pourrait hâter cet avènement. Schweitzer est d’avis que ces croyances liées à une conception du monde dépassée font de Jésus un personnage irréductiblement étranger à l’homme contemporain. Jésus attendait la venue du Royaume à la fin du monde ; les chrétiens actuels doivent s’efforcer d’en faire une réalité dans le monde : « L’idée selon laquelle il viendra à la fin des jours avec force et tempête nous est lointaine […] ; le Royaume est le but de notre travail, le but de notre vie dans l’esprit de Jésus » (sermon du 17 décembre 1899). Il faut, explique Schweitzer à la fin de sa remarquable Histoire des recherches sur la vie de Jésus (1906, 2e éd., 1913 ; seules les pages finales ont été traduites en français), penser au Royaume qu’il nous faut réaliser par notre action morale avec la « même intensité » que Jésus attendait son avènement de la seule intervention de Dieu. Toutefois, à la différence de ses maîtres, les théologiens libéraux de la fin du XIXe siècle, Schweitzer ne croit pas que le progrès éthique va nécessairement de pair avec les avancées techniques et scientifiques ; la Première Guerre mondiale lui donnera tristement raison sur ce point. Après cette catastrophe, il continuera cependant d’avoir foi en la venue du Royaume, c’est-à-dire au « miracle par lequel l’esprit de Dieu se soumettra l’esprit des hommes » : « Nous savons que nous ne verrons pas le temps où le Royaume de Dieu sera entièrement présent, le temps où l’arbre sera dans sa pleine croissance, plein de fleurs et de fruits, de la base au sommet. Voilà pourquoi nous continuons d’agir et de faire de notre mieux. Mais nous prions aussi, et nous cherchons, par la parole, à déposer la semence de Dieu dans le cœur de tous les hommes. Nous prions pour que d’autres hommes un jour vivent dans le Royaume de Dieu mieux que nous » (sermon du 3 août 1930).

Contrairement aux interprètes de la Bible qui l’avaient précédé, Schweitzer ne croyait pas non plus à la possibilité d’accéder, par l’histoire, au « Jésus qui est une force spirituelle pour le présent » ; en effet, l’histoire le dévoile comme un juif de son temps. Par contre, il expérimentait personnellement une relation « mystique » à Jésus, une communion de volonté à volonté ressentie principalement dans l’action – la voie de l’amour et de la miséricorde – à la suite de Jésus : « Il ordonne. Et à ceux qui lui obéiront […], il se révélera par la paix, l’action, les luttes et les souffrances qu’il leur donnera de vivre en communion avec lui. Comme un secret ineffable, ils apprendront alors qui il est » (conclusion de l’Histoire des recherches…). Tous n’étaient pas appelés, précisa-t-il sans relâche dans ses sermons d’avant 1913, à répondre à l’appel de Jésus en devenant médecin, infirmière, pasteur, missionnaire ou enseignant. Mais chacun, ou presque, pouvait exercer sa profession ou mener son existence au foyer comme une véritable vocation, au service de l’avènement du Royaume. Quant à ceux qui étaient soumis à des tâches aliénantes, purement répétitives et mécaniques, Schweitzer les encourageait à se trouver un « Nebenberuf », une « vocation seconde » que nous qualifierions aujourd’hui de travail bénévole.

À Lambaréné, soulager la souffrance

Préoccupé dès son enfance par le problème du mal et de la souffrance, jamais Schweitzer ne s’est perdu en « méditations mélancoliques » sur ce sujet, mais il s’est « attaché à l’idée qu’il était donné à chacun de nous de faire cesser un peu de cette souffrance » (Ma vie et ma pensée). Il a pris sa part de cette tâche, en paroles comme en actes. Il s’est rendu en Afrique pour soulager les souffrances morales et physiques, mais aussi pour expier les méfaits du colonialisme et pour éduquer – objectif qui, souvent, avait justifié… la colonisation. Dès 1927, soit près de soixante ans avant l’entrée en vigueur de la Charte africaine des droits de l’homme, Schweitzer plaida en faveur d’un certain nombre de droits pour les Africains : droit à une habitation et au libre choix de la résidence ; droit au sol ; droit à l’éducation et à une existence nationale ; droit au libre choix du travail ; droit à la justice (avec le recours à la justice traditionnelle, sauf dans les cas où cette dernière se montre trop sévère). Sans cesse, il prôna une relation de fraternité entre les blancs et les noirs, tout en soulignant, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, que les premiers étaient des frères aînés : le frère aîné n’est pas supérieur à son cadet, mais, parce qu’il en sait un peu plus que lui, il peut lui transmettre des connaissances (techniques, médicales, éthiques) et le conduire vers le « mieux-être ». Après 1945, Schweitzer jugea qu’il n’y avait plus d’aîné ni de cadet. Toutefois, il mit en garde contre le tribalisme, qui ne valait guère mieux que l’« insensé nationalisme » européen, et il ne plaça pas de grands espoirs dans la décolonisation si les peuples accédant à l’indépendance ne se dotaient pas d’un solide fondement éthique. L’histoire lui a-t-elle donné tort ?

Alors qu’il avait été célébré comme un héros voire comme un saint à la fin des années 1940 et dans les années 1950, il devint ensuite l’objet de vives critiques touchant à son œuvre médicale et humanitaire : n’était-elle pas empreinte de paternalisme et l’état de son hôpital ne reflétait-il pas le peu de considération qu’il avait pour les Africains ? Au cours des dernières décennies, son œuvre a été réévaluée à la hausse, notamment par des auteurs gabonais et par des spécialistes de la médecine. Sa correspondance avec des médecins, des pharmaciens et des laboratoires montre combien, jusqu’à la fin de sa vie, Schweitzer s’est tenu au courant des avancées médicales et combien il a tenu à en faire bénéficier ses patients. L’examen des dossiers médicaux de Lambaréné met en évidence le pourcentage important de guérisons, ainsi que la préférence accordée par les Africains à l’« hôpital Schweitzer », au détriment de l’établissement concurrent de Libreville. (Certains médecins de cet hôpital lui ont voué une rancoeur tenace, et il faut examiner de manière critique les témoignages qu’ils ont laissés.) S’il a fondé un « hôpital-village », ce fut dans le dessein de ne pas ajouter à la souffrance des malades africains en les arrachant à leur cadre de vie et de pratiquer une médecine de proximité ; plus largement, il lui importait de vivre sobrement, en harmonie avec la nature environnante. Aussi Lambaréné était-il pour les malades un endroit où il faisait bon vivre, d’autant que Schweitzer se préoccupait constamment du ravitaillement de l’hôpital, dont il avait fait un lieu rassurant : sous la protection du « nganga » Schweitzer, thérapeute doté de puissance ainsi qu’ils se le représentaient, les malades étaient aussi à l’abri des empoisonnements, fréquents dans leurs villages, tandis que les enfants des femmes décédées en couches, les aliénés mentaux et les lépreux n’étaient plus voués à la mort. À Lambaréné, les préoccupations écologiques n’étaient pas incompatibles avec la sécurité des biens et des personnes.

Le respect de toute vie, une illusion ?

Le 13 février 1912, dans l’un des derniers cours qu’il prononce à Strasbourg (il est consacré à des questions de philosophie et non pas d’interprétation du Nouveau Testament), Albert Schweitzer met l’accent sur le caractère irremplaçable de tout être vivant et sur la responsabilité qui en découle pour l’être humain. Il cite en exemple le « respect de la vie que le matérialiste le plus convaincu éprouve lui aussi lorsqu’il évite de piétiner le ver sur la chaussée ou de cueillir les fleurs sans raison ». Il s’agit là, dans la bouche et sous la plume de Schweitzer, de la première occurrence de l’expression « respect de la vie (Ehrfurcht vor dem Leben) ». Or vingt ans plus tard, dans Ma vie et ma pensée, il a associé sa découverte non aux bâtiments massifs du Palais universitaire, où il en avait donné la primeur à ses étudiants, mais à la nature luxuriante et sauvage de l’Afrique : « […] alors que nous avancions dans la lumière du soleil couchant, en dispersant au passage une bande d’hippopotames, soudain m’apparurent, sans que je les eusse pressentis ou recherchés, les mots “respect de la vie”. » Sans doute, en 1912, Schweitzer n’avait-il pas mesuré toute la portée des termes « Ehrfurcht vor dem Leben », respect craintif ou crainte respectueuse devant la vie. Cette Ehrfurcht, avait-il pourtant déclaré à ses paroissiens en 1909, est le sentiment le plus profond et le plus grand que l’homme puisse avoir pour un autre être ; mais à cette époque, il est vrai, c’est à la personne de Jésus qu’il demandait de réserver ce sentiment.

Lorsqu’en 1915, il redécouvre l’expression « respect de la vie », la guerre menée avec des moyens industriels a confirmé de manière tragique les craintes qui étaient les siennes dès son entrée à l’Université : le progrès moral et spirituel n’avait pas accompagné les avancées techniques, et le présomptueuse civilisation occidentale était en faillite. Voilà des siècles que le message chrétien y retentissait, mais au fil du temps l’amour prôné par Jésus était devenu une notion galvaudée. Et puis, dans un monde où les nations dites chrétiennes ne sont pas seules et où, sur le sol européen, la sécularisation progresse, il importe que la civilisation se dote désormais de fondements compréhensibles et acceptables pour chacun, indépendamment de ses croyances et de sa conception du monde. Le « respect de la vie », que Schweitzer tient pour la formulation positive de l’interdit « Tu ne tueras point », lui paraît apte à remplir ces conditions, et il constitue par ailleurs un élargissement de l’éthique traditionnelle : il vaut pour toute vie, et pas seulement pour la vie humaine. Dans les années, les décennies qui suivront la (re)découverte de 1915, Schweitzer n’aura de cesse d’expliciter ce qu’il entend par « respect de la vie » et de défendre, face aux nombreuses critiques lui reprochant de ne pas distinguer l’homme du reste de la création, une éthique qui commence par cette prise de conscience : « “Je suis vie qui veut vivre, entouré de vie qui veut vivre.” Il ne s’agit pas là d’un aphorisme ingénieux. Chaque jour et à chaque heure, cette conviction m’accompagne. […] De même que mon propre vouloir vivre implique une aspiration à continuer à vivre et à connaître cette exaltation mystérieuse du vouloir vivre qu’on appelle joie, ainsi que la peur de l’anéantissement et de l’altération mystérieuse du vouloir-vivre qu’on appelle douleur, de même aussi le vouloir-vivre qui m’entoure comprend ces mêmes mouvements – qu’il puisse le manifester vis-à-vis de moi ou qu’il reste sans voix. L’éthique consiste donc à me faire éprouver par moi-même la nécessité d’apporter le même respect de la vie à tout le vouloir-vivre qui m’entoure autant qu’au mien. C’est là le principe fondamental de la morale qui doit s’imposer nécessairement à la pensée. Le bien, c’est de maintenir et de favoriser la vie ; le mal, c’est de détruire la vie et de l’entraver. » (La civilisation et l’éthique, 1923.) Le respect de la vie, précisera-t-il dès ses sermons éthiques de 1919, consiste à avoir de la compassion pour tout ce qui vit, à être solidaire de la vie et à la préserver. Il se distingue donc de l’éthique indienne qui s’abstient simplement de faire le mal, et – à l’opposé du vitalisme nietzschéen, par exemple – il cherche à venir en aide aux vies les plus faibles. Le respect de la vie est miséricorde qui s’étend aux animaux et aux végétaux.

Schweitzer savait que, dans la réalité, il n’est pas toujours possible de respecter toute vie : en tant que médecin, il lui fallait détruire les virus et les bactéries ; il lui fallait défendre son hôpital-village contre les invasions de fourmis rouges. Il n’ignorait pas non plus que son principe pouvait se décliner différemment en Afrique et en Europe : tuer des éléphants pour se nourrir et pour se protéger des dégâts commis sur les plantations se justifiait dans certaines circonstances, ce qui n’était nullement le cas de la chasse « sportive » ou de la corrida. Il n’empêche, Schweitzer a toujours maintenu mordicus son refus d’établir d’emblée des échelles de valeur, lesquelles revêtiraient d’une dignité morale la destruction de vies. Il fallait que – sans ployer sous le poids de la culpabilité – l’homme prenne conscience de ses actes et ne tue ni par insouciance ni par appât du gain. Plus encore, l’éthique du respect de la vie devait le pousser à rechercher toutes les occasions de venir en aide aux animaux, afin de compenser la misère où les avait plongés la main des hommes.

Ce refus de placer l’homme au sommet d’une création qu’il serait en droit de dominer, a valu à Schweitzer les critiques tant de philosophes athées que de théologiens (ainsi, Karl Barth) ; ces derniers arguaient que, à la différence des autres créatures, l’homme avait été créé à l’image de Dieu. Schweitzer n’en a pas moins campé sur ses positions avec lucidité, mettant en garde deux ans avant l’accès du nazisme au pouvoir : « De cette distinction naîtrait le point de vue selon lequel il existe des formes de vie sans valeur que l’on peut mépriser ou détruire à volonté. Parmi les vies sans valeur nous classerions, selon les circonstances, diverses variétés d’insectes ou de peuples primitifs » (Ma vie et ma pensée, 1931). Que l’on ait continué à critiquer Schweitzer après 1945, alors que le « IIIe Reich » venait d’exterminer des millions de vies humaines « indignes d’être vécues », nous paraît incompréhensible.

C’est au nom du respect de la vie enfin que, dans les années 1950 et 1960, Schweitzer s’est engagé contre la course aux armes atomiques et contre les essais nucléaires, en mettant en avant également le « droit international » des gens : à la différence des armes traditionnelles, les armes atomiques détruisent aussi ceux qui sont éloignés des combats, et leur action néfaste perdure. Plus fondamentalement, Schweitzer a appelé les chefs d’État des grandes puissances à instaurer une « paix positive », une paix qui ne soit pas un état de non-guerre entre deux conflits armés. Par ses conférences radiodiffusées et par ses écrits, il a tenté aussi de forger une opinion publique favorable à ses idées, conscient du fait que c’étaient les « peuples eux-mêmes » qui devaient délivrer l’humanité du péril de l’arme atomique.

À lire l’article de Laurent Gagnebin   » Un homme aux multiples facettes « 

Pour aller plus loin :

Albert Schweitzer, La civilisation et l’éthique, Colmar,
Alsatia, 1976.
Albert Schweitzer, Conversations sur le Nouveau Testament,
Paris, Brépols, 1996.
Albert Schweitzer, L’Esprit et le Royaume, recueil de prédications
traduites et présentées par J.-P. Sorg, Orbey,
Arfuyen, 2015.
Albert Schweitzer, Humanisme et mystique, textes choisis
et présentés par J.-P. Sorg, Paris, Albin Michel, 1995 .Matthieu Arnold, Albert Schweitzer, la compassion et la raison, Lyon, Olivétan, 2015.
Philippe Aubert, Albert Schweitzer, une théologie raisonnable,
Mulhouse, Le Ralliement protestant, 1998.
Augustin Émane, Docteur Albert Schweitzer. Une icône
africaine, Paris, Fayard, 2013.
Laurent Gagnebin, Albert Schweitzer 1875-1965, Paris,
Desclée de Brouwer, 1999.

 

 

 

Don

Pour faire un don, suivez ce lien

À propos Matthieu Arnold

est professeur d’histoire du christianisme moderne et contemporain à la faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Évangile et Liberté

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading