Je tiens à dire ici que jouer de l’orgue a été une réalité de toute la vie d’Albert Schweitzer. Philosophe, théologien, historien et exégète, médecin et créateur, voire constructeur d’un hôpital dans la forêt vierge à Lambaréné (Gabon), Schweitzer fut aussi un musicien et aurait pu vivre de cet instrument. On ne comprend pas vraiment Schweitzer si on ignore ou sous-estime le fait qu’il fut très profondément un artiste.
Je tiens à dire ici qu’Albert Schweitzer a prêché, également pendant toute sa vie, et cela de Strasbourg à Lambaréné, qu’il renonça même en 1899 à se présenter à un poste de philosophie à la faculté des lettres de Strasbourg parce qu’on lui laissa entendre qu’« on ne verrait pas d’un bon oeil » (Ma vie et ma pensée) que nommé à un tel poste il soit en même temps prédicateur, ce à quoi il tenait viscéralement.
Je tiens à dire ici son honnêteté intellectuelle et sa passion pour la vérité historique, alors que le christianisme l’a si souvent « consciemment ou inconsciemment déguisée, faussée, niée » (Ma vie et ma pensée), quand cela le gênait.
Je tiens à dire ici que Schweitzer fut à la fois rationaliste et mystique, parce que la pensée rationnelle aboutit « nécessairement » pour lui à l’irrationnel et que, très tôt, il a eu « la conviction que toute réflexion qui va jusqu’au bout de ses conclusions finit en mysticisme » (La paix par le respect de la vie). La pensée inclut le sens du mystère de la vie et du monde ; le mysticisme n’est donc pas, selon lui, une capitulation de la pensée, mais son accomplissement.
Je tiens à dire ici que le « respect de la vie », n’est pas sous sa plume une formule simpliste mais une exigence inscrite dans une pensée très complexe. Schweitzer déclare dans une prédication de 1919 à Strasbourg : « Le respect de la vie et de la participation à la vie des autres, voilà la grande aventure du monde. » (Vivre) Tout en restant un absolu, mais impossible à pratiquer intégralement, le respect de la vie représente l’amour du prochain élargi à l’universel, amour tout aussi impossible à mettre véritablement en œuvre. Quant à la nature, qu’on ne saurait idolâtrer, ne met-elle pas autant de « prodigieuse ingéniosité » (Ibid.) à susciter la vie qu’à la détruire ?
Enfin, j’aurais aimé commenter amplement cette affirmation surprenante de Schweitzer écrite dans une lettre du 25 septembre 1903 et adressée à celle qui deviendra sa femme : « Je crois parce que j’agis. » (Albert Schweitzer, Hélène Bresslau, Correspondance 1901-1905.) Agir n’a pas besoin du préalable du croire, mais peut renforcer la foi et même y conduire. L’action unira, voire orientera vers un Dieu d’amour, tous les hommes de bonne volonté, croyants ou incroyants. « Si tu veux croire en lui (=Jésus), commence par faire quelque chose en son nom. » (Vivre)
À lire l’article de Matthieu Arnold « Albert Schweitzer : foi, raison et compassion «
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