On fait habituellement de Jésus-Christ un objet de foi : on croit en Jésus, on croit (ou pas) en ses miracles, en sa résurrection, on croit qu’il est Seigneur, sauveur. La relation entre le Christ et le salut est essentielle dans le christianisme. Le professeur Pierre Bühler décrit remarquablement dans son texte les différentes interprétations que l’on a pu faire du « salut », un mot qui malheureusement n’a plus grand sens pour une immense partie de nos contemporains. C’est là une grande perte, car c’est un des termes que la théologie chrétienne s’est donné pour parler de la vie humaine et de son lien avec Dieu.
Certes, Jésus-Christ est l’objet de la foi chrétienne, quand on entend par là la manière de rendre compte de ce que l’on croit. Il est impératif, pour tout croyant, d’être capable de dire ce qu’il croit. C’est en effet, entre autres, en passant par le récit que le croyant structure sa foi et peut espérer participer à l’annonce de l’Évangile. Mais avant d’être objet de foi, il me semble que le Christ du Nouveau Testament est un sujet porté par une foi. Ce qui selon moi fonde le christianisme est d’avoir foi en la foi de Jésus-Christ. Plus qu’un témoin ou le fondement de la foi, plus qu’un objet de foi, le Christ Jésus proclamé par le Nouveau Testament me semble être l’archétype du sujet totalement requis par la foi, non plus au sens de ce que l’on croit mais du fait même de croire.
La foi de Jésus-Christ interpelle et a de quoi fasciner. Elle me fait davantage réfléchir et vibrer que la foi en Jésus-Christ. Certes, la foi n’est pas qu’affaire de sentiment. Mais la foi a une puissance qui s’adresse non seulement à l’intelligence des hommes, mais aussi à ce qu’il y a de plus profond en eux. Le théologien allemand Friedrich Schleiermacher (1769-1834) dit de la foi qu’elle est un sentiment pur et simple de « dépendance ». Et c’est cela que je décèle dans le Christ raconté par les textes du Nouveau Testament. C’est un homme totalement pris par sa foi, en chaque instant porté par sa foi, c’est un homme absolument dépendant de Dieu. Je vois en sa foi l’archétype de la foi. Qu’il croise sur sa route un autre qui souffre et a besoin de lui, comme Bartimée à la sortie de Jéricho (Mc 10,46-52) ou qu’il soit dans un moment d’angoisse comme a Gethsémané (Mc 14,32-42), ce qui le mène est sa foi en Dieu. Même crucifié, à quelques souffles du moment de sa mort, c’est encore à Dieu qu’il s’adresse (Mc 15,34). Cette foi est saisissante. Et c’est d’être pris d’une telle foi, même si elle balbutie régulièrement, qui est source de salut pour l’homme. C’est cela qui lui permet de traverser la vie sans sombrer dans la résignation, sans laisser la mort le posséder.
Ce qui me paraît essentiel pour l’identité du christianisme est que la foi que l’on attribue au Christ du Nouveau Testament puisse nous être accessible. C’est dans possibilité de l’advenue en nous de la foi du Christ ici et maintenant que nous sommes sauvés.
À lire l’article de Pierre Bühler » Que veut dire « être sauvé » aujourd’hui «
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