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Une Église de verre, un rêve ?

Dominique Hernandez, la nouvelle pasteure de la paroisse Paris Bastille du Foyer de l’Âme, a fait un rêve. Le rêve d’une Église de verre, ouverte sur le monde et laissant entrer la lumière de toutes parts, une lumière qui permet de mieux se voir et de mieux voir ceux qui sont invisibles, mais aussi de mieux s’écouter et de mieux entendre ceux qui sont sans voix. C’est une conception qui s’est concrétisée dans l’architecture de son ancienne paroisse de Palaiseau et qui s’exprime dans les textes qu’elle a écrits pour Évangile et liberté mais aussi dans ses premières prédications au Foyer de l’Âme. C’est sa conception de l’Église qui est présentée dans cet article, alors qu’elle débute son nouveau ministère. Car, derrière sa discrétion et sa retenue, Dominique Hernandez affirme des convictions fortes et cohérentes à travers ses textes. Des convictions personnelles, fortes et cohérentes Une de ses priorités est de lutter contre le risque de repli des croyants à l’intérieur d’une foi fermée au monde. L’Église ne doit pas être un « groupe hermétique, non ouvert sur l’extérieur et non accueillant à ceux du dehors ». Au contraire, elle doit être « trouée et poreuse » à l’humanité des paralysés de la vie. Pour cela, les chrétiens doivent être audacieux en ouvrant des « brèches » afin que la parole de Jésus soit « audible », être des « casseurs » de certitudes et de discours fermés pour laisser entrer « l’humain comme la Parole », l’inattendu de la vie et élargir toujours plus l’espace de la « tente ». Si l’Église n’a pas une « architecture légère et modulable, privilégiant les dynamiques d’ouverture », elle se transformera en « tombeau » sans perspective de résurrection du monde (L’effraction à Capharnaüm). Pour elle, une Église fermée « aux petits » n’est pas une Église où « Jésus marche et est présent » à nos côtés. C’est « exactement le contraire de ce à quoi Jésus appelle ses disciples ». L’absence de compassion est pire qu’un « handicap », c’est un « péché » qui « sépare de Dieu, des autres et de soi ». Jésus nous appelle à la compassion à l’égard des malheureux qui, sans le miracle de la foi en lui, est une « impossibilité ». Les oubliés doivent redevenir visibles, les aveugles doivent retrouver la vue, grâce au miracle de la compassion. (Un miracle peut en cacher un autre). Dominique Hernandez pense que la mission des chrétiens est de « protester contre ce qui écrase l’humain, avant de le jeter, sans état d’âme ». Et non de se laisser éblouir par « la splendeur du temple » ou de « s’enfermer dans l’engrenage de l’asservissement à un système tout humain » sous prétexte « de rendre gloire à la puissance de Dieu ». La grandeur et les ornements ne sont, pour elle, que « les expressions d’un pouvoir sans compassion » qui écrase sous leur poids « les plus faibles, les plus humbles ». Pour elle, Jésus, au contraire, se reconnaît dans « le geste extrême de la veuve » qui donne tout ce qu’elle a de manière humble et inconditionnelle. Lui, a fait de même avec sa vie « afin que les humains cessent de croire que la grâce de Dieu s’achète ou se vend ». Et pour qu’ils « croient enfin que la justice, la compassion, l’amour, la bénédiction sont les seuls sacrifices désirés par Dieu ». (Offrande jetée). La nouvelle pasteure du Foyer de l’Ame a la conviction que le Christ nous appelle à naitre de nouveau. Pour cela, il faut nous délester de nos certitudes, de nos « savoirs » pour retrouver « l’innocence, l’ignorance, la naïveté » qui permettent, seules, de voir le monde autrement. Et cela afin de « demeurer dans la reconnaissance et la bienveillance envers ceux que leur failles intérieures, leurs fragilités intimes, leurs contradictions internes, leurs ambiguïtés constitutives font cheminer furtivement, lentement » (Nicodème, naïf d’Esprit). Ainsi « démuni de toute protection, de toute épaisseur de défense, dépouillé de toute apparence », sans se grandir, on peut choisir de passer par la « porte étroite » de la vie, en abandonnant « prétentions et illusions » par sa seule décision et en responsabilité. A l’inverse, la « porte large, celle qui ne mène pas vers la vie », on peut la passer « en troupeau soumis affolé, égaré » et « gonflé d’orgueil, de bon droit, de bonne conscience et d’indifférence ». Le choix entre les deux portes est toujours possible car « il suffit d’un pas de côté pour se retrouver devant la porte étroite » qui est toujours ouverte. Jésus, nous place ainsi devant notre responsabilité et notre liberté (Porte étroite). Quand on a rencontré, Dominique Hernandez, on croit lire ici l’expression d’une philosophie de vie qui inspire son attitude au monde. La Liberté que Jésus nous propose est, pour elle, un don et non une conquête. Il faut nous libérer de nos « égyptes intérieures » qui conçoivent l’autre comme un obstacle ou un objet de convoitise. Jésus « a été l’incarnation de cette liberté qui renonce au pouvoir sur l’autre, au pouvoir de faire ce que je veux ». Avec lui, il nous faut passer de la servitude de l’égoïsme du « Je » pour aller vers le « Tu » au service du « prochain » (La Liberté en dix paroles et trois mots). Pour cela, il nous faut renoncer à La tentation de Marie de Magdala, celle de retenir en tentant de le toucher, le Jésus d’avant, celui qui cheminait avec les disciples, celui qui guidait leurs pas et leur vie. Pour Dominique Hernandez, cette tentation de vivre dans le passé, de retenir celui qui a été crucifié en s’appropriant son corps, est propre à l’élan de la foi qui « porte intrinsèquement en lui la possibilité d’un « trop » ou d’un « pas assez » qui pourrait lui faire manquer son but ». Pour elle, le temps est venu de renoncer aux certitudes au passé et d’apprendre à « accepter ce qui est donné ». En se détachant du corps mort du crucifié, on s’attache à son « enseignement d’amour » qui est de « prendre soin du corps des vivants », notamment des plus petits d’entre eux. Le toucher devient alors le « signe du service » à travers le lavement des pieds (Au jardin de la résurrection : la tentation de Marie). Ce parcours dans les textes de Dominique Hernandez, publiés dans Evangile et liberté, dessine l’esquisse de cette Église de verre qu’elle appelle de ses vœux. Une esquisse en sept lignes de force, comme les sept jours d’une semaine :

  • lutter contre l’enfermement dans l’entre-soi
  • privilégier la compassion envers les oubliés
  • s’opposer à ce qui écrase l’humain
  • naître à nouveau en se délestant de ses certitudes
  • accepter d’être petit, nu, à vif et renoncer aux apparences
  • passer de la servitude du souci de soi au service de l’autre
  • renoncer au passé, à l’attachement, à l’appropriation pour le service du prochain

D’inattendues et fructueuses rencontres… Dominique Hernandez est pasteure au Foyer de l’Âme depuis le 1er juillet 2019, une paroisse ouverte sur le monde qui donne la priorité à l’humain (« Ici on enseigne l’humanité ») et à la défense des plus faibles à travers le christianisme social. Cette paroisse d’inspiration libérale a été créée par le pasteur Wagner, mort il y a un peu plus d’un siècle, auteur de La Vie Simple, « ami de Dieu et des hommes » et qui refusait de s’enfermer dans une étiquette, fusse-t-elle, celle du libéralisme. Les premières prédications de Dominique Hernandez au Foyer de l’Âme développent cet objectif premier de l’Église de verre dont elle rêve. Une Église qui favorise la rencontre, qui laisse advenir l’inattendu, qui provoque le changement de regard sur l’autre, en particulier celui que la société exclut, bref une rencontre qui change la vie de ceux qui en sont les acteurs. Parmi toutes les rencontres qui jalonnent le chemin de Jésus et en sont l’essence même, Dominique Hernandez a choisi celle avec la Samaritaine. Comme toutes les rencontres de Jésus, celle-ci est surprenante par les circonstances mais surtout par la personne qu’il choisit de rencontrer. Elle se produit à la sixième heure, une heure inhabituelle pour aller au puits, avec une samaritaine à la vie maritale compliquée et appartenant à peuple ennemi des juifs. Pourtant, malgré la méfiance de départ, un dialogue de vérité s’établit. Chacun y révèle sa « puissance d’être ». Jésus, le « sourcier d’existences », permet à la samaritaine « d’émerger de ses profondeurs », d’être enfin elle-même et de se trouver. Comme dans toutes ses rencontres, il rend présente « l’action créatrice et libératrice de Dieu » qui sauve « du mépris, du rejet, de l’oppression des normes sociales et religieuses ». Comme souvent, Jésus révèle sa vérité, celle de Christ, à une personne réprouvée par les autorités religieuses, sans se préoccuper « de réputations ni de morales ni de bonne mœurs, mais seulement de donner ce qu’il a lui-même reçu ». Et Dominique Hernandez, derrière sa retenue apparente, conclut ses prédications sur la rencontre avec la samaritaine en impliquant de manière très claire ses auditeurs : « Quelle heure est-il vraiment au puits de Sychar ? Quelle heure est-il maintenant ? C’est l’heure de la fin de la religion, de ses lieux, de ses formes, de ses rites, ce que confirmera avec force la mort de Jésus, crucifié par la religion qui s’y défait elle-même. L’heure d’un changement d’heure, l’heure de passer de la religion à la confiance, des exclusivismes à l’hospitalité, des normes à la reconnaissance inconditionnelle, des représentations à la révélation, du chacun pour soi au commun. » Quand le Christ est présent, « un nouveau devenir est possible pour chacune et chacun ». Chacun, à son niveau, peut devenir un « petit christ ». Il faut simplement ouvrir les yeux, pour voir ce qui se passe autour de nous afin que les « marques de l’accomplissement » du Royaume apparaissent. Et ainsi la « rencontre, le dialogue et l’hospitalité seront une source de joie » comme au puits de Sychar. On voit donc que la passion de Dominique Hernandez pour la Bible, affichée avec beaucoup de conviction, n’est pas un enfermement dans l’étude théologique, mais une force d’ouverture pour construire l’Église de verre dont elle rêve, ici et maintenant. Et la rencontre entre sa propre histoire qui s’est construite en banlieue et celle d’une paroisse parisienne aussi singulière que celle du Foyer de l’Âme pourrait bien être une de ces rencontres d’autant plus fructueuses qu’elles sont inattendues.

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À propos Jean-Pierre Capmeil

Docteur en géopolitique. Impliqué dans la catéchèse de l’Oratoire du Louvre entre 2014 et 2016 et à présent dans la communication du Foyer de l’Âme.

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