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Et si les libéraux se mettaient à remplir les temples ?

 

Déclin… et renouveau ?

Les Églises libérales connaissent un déclin historique pratiquement partout dans le monde. Aux États-Unis, le pays où elles comptent le plus grand nombre de fidèles, la chute est vertigineuse : en 2015, dans le cadre de l’une des enquêtes les plus détaillées jamais faites sur le paysage religieux du pays, le centre de recherches de référence Pew Research Center a estimé que les Églises du courant central (mainline), dont la plupart sont fortement influencées par le libéralisme théologique, perdent jusqu’à un million de fidèles par an. Elles auraient perdu 5 millions de membres entre 2007 et 2014, année où l’on comptait encore 36 millions de protestants du courant central. Aujourd’hui, tout porte à croire qu’ils sont encore bien moins nombreux. La plus grande Église luthérienne en Occident, l’Église de Suède, qui est aussi une des plus théologiquement libérales au monde, connaît une baisse sans précédent du nombre de ses adhérents. En 2017, plus de 90 000 personnes ont décidé de quitter cette communauté qui fut longtemps une Église d’État (jusqu’en 2000), soit 1,5% du nombre d’adhérents au total. Cette baisse est plus importante qu’en 2016, où la même Église avait déjà connu une désaffection record. Les autres grandes Églises protestantes institutionnelles en Europe, dont l’Église anglicane au Royaume-Uni, connaissent peu ou prou la même évolution.

Il y aurait beaucoup à dire sur les raisons de ce déclin. Il faudrait prendre en compte la méfiance croissante vis-à-vis des institutions religieuses, la sécularisation et l’individualisation de la foi religieuse. Le courant libéral a sans doute souffert, lui aussi, de la déchristianisation généralisée en Occident. Néanmoins, s’agissant justement des libéraux, on pourrait voir quelque chose de paradoxal dans cette évolution. Un courant chrétien qui s’inspire des Lumières, qui prétend comprendre la modernité et n’hésite pas à y adapter le message chrétien, quitte à le réinterpréter en mettant en cause différents dogmes, ne devrait pas rencontrer de difficultés à se faire entendre dans la société contemporaine. Aucune tradition religieuse n’est aussi compatible avec l’esprit du temps et avec l’opinion publique actuelle que le protestantisme libéral ! Son relativisme moral dans le domaine des mœurs et de l’éthique est celui que prônent la plupart des gouvernements occidentaux et la majorité des populations. Il a tout pour plaire ! Cette logique implacable a d’ailleurs été revendiquée pendant des décennies par des pasteurs et des théologiens protestants s’inspirant notamment des œuvres de John Shelby Spong, un évêque épiscopalien américain (anglican). Il écrit que les Églises connaîtraient un nouveau printemps si elles abandonnaient leur interprétation littérale de la Bible, la christologie traditionnelle, les dogmes de la trinité, de la naissance virginale, etc

Aujourd’hui, donc, nous pouvons penser que Spong et ses adeptes se sont tout simplement trompés. Et ceci d’autant plus que les idées libérales et les dogmes relativisants et déconstructeurs, si j’ose dire, ont connu un grand succès bien au-delà des petits cercles libéraux, en influençant fortement les instances dirigeantes des Églises protestantes du courant central, comme l’atteste par exemple le score au synode national de l’Église protestante unie de France à Sète en 2015 en faveur de la bénédiction des couples homosexuels. Et partout avec le résultat que l’on connaît. Les gens, les chrétiens lambda, fuient le libéralisme tel qu’il est pratiqué ! Et ceux qui hésitaient auparavant à franchir les portes du temple ne viennent pas non plus. Il faut dire que le libéralisme se singularise dans l’univers chrétien par son quasi-refus d’évangéliser, c’est-à-dire annoncer explicitement le Christ tout en témoignant de sa foi. Certains vont jusqu’à dire que plus une Église est libérale, plus elle a tendance à perdre ses membres. C’est le cas de David Millard Haskell, qui enseigne les sciences religieuses à Wilfrid Laurier University. En 2016, lui et ses collègues ont publié une étude qui établit une corrélation positive entre déclin et libéralisme. Il faut dire que le lien est facile à faire. Les Églises libérales sont en train de mourir. On peut l’observer à l’œil nu. Par contraste, les Églises « conservatrices », évangéliques en particulier, se portent globalement bien et connaissent souvent une croissance du nombre de leurs membres. Les raisons sautent aux yeux : ces églises « conservatrices » (en réalité orthodoxes dans la foi) se portent bien tout simplement parce qu’elles évangélisent, très activement, en intégrant par ailleurs les membres dans des réseaux de solidarité concrète. Leurs membres croient fortement à la force transformatrice de la foi, suivant l’exemple des premiers chrétiens. Ils croient à la Résurrection et aux miracles, en leur donnant une signification qui les aident à croire au Christ. À cela, il faut ajouter l’accent mis sur l’expression joyeuse et personnelle – la vraie louange, quoi – lors des cultes. Or, ce sont là des choses que n’importe quelle communauté chrétienne pourrait faire, même celles qui se veulent libérales. Le libéralisme théologique a démontré sa pertinence à une certaine époque, mais ce n’est pas avec une dose supplémentaire d’exégèse historico-critique ou la déconstruction des dogmes qu’elle va arrêter l’hémorragie de ses temples. C’est en affirmant la foi en Christ d’une façon dialoguante et accueillante que les libéraux pourraient à nouveau remplir les temples. Nos contemporains ont soif de Dieu ! Les rares communautés libérales et inclusives qui rayonnent autour d’elles l’ont bien compris, comme par exemple la United Church of Christ dans les quartiers sud de Chicago, où un certain Barack Obama s’est converti en 1988.   Henrik Lindell

Une double posture problématique

Beaucoup de chrétiens, dans leur vie de tous les jours, raisonnent de façon parfaitement adaptée au monde moderne mais quand ils sont sur les bancs de l’église ils gobent tout. La posture libérale, ce n’est pas seulement affirmer des doutes, c’est aussi des certitudes. Si l’on est conscient que beaucoup de récits bibliques sont des légendes ou des mythes qu’il faut situer dans le contexte où ils ont été racontés, une fois «démythologisés», ils recèlent un sens valable aussi pour nous aujourd’hui. La plupart des pasteurs et membres des autorités ecclésiastiques ont fait des études de théologie et sont bien documentés en sciences, en histoire et en psychologie, mais dans leurs discours, ils ne veulent pas choquer les chrétiens de tendance traditionnelle. Je crains que cette attitude, si elle évite la création de nouvelles chapelles, ne prépare un déclin encore plus accentué du protestantisme pour ne pas dire du christianisme, et ne renforce la tendance à aller chercher dans d’autres religions (islam, bouddhisme, marxisme) la réponse à une quête de sens. Il faut donc ne pas hésiter à dire nos désaccords. Restons unis, mais n’ayons pas peur de réinterpréter l’enseignement traditionnel. Et de le dire. François de Vargas

 

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À propos Henrik Lindell

52 ans, d’origine suédoise, est journaliste à l’hebdomadaire La Vie, chef de la rubrique Société.

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