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La justice de Dieu est au-dessus de la Loi ou la parabole du gérant malhonnête

Luc n’aime pas les riches. C’est pourquoi il en parle souvent. Mais, ici, il nous montre un patron qui fait l’éloge de son gérant, lequel a commis des faux en écriture. Comment Luc peut-il se montrer complice de ce qu’il faut bien appeler la corruption ?

Il nous faut reprendre l’histoire. Le gérant est accusé de gaspiller les biens de son maître et il est donc mis à la porte. Rien de plus normal. Mais il est réduit au chômage, sans indemnités puisqu’elles n’existaient pas à l’époque, ni les pensions de retraite. Comment subsister en ce temps-là, lorsqu’on a perdu son emploi, qu’on n’en retrouvera pas d’autre, et qu’on n’a pas subtilisé au préalable suffisamment d’argent à son maître pour pouvoir vivre des réserves accumulées ?

  Notre gérant invente un stratagème : il diminue la dette de certains créanciers de son maître pour se faire apprécier d’eux et bénéficier ensuite de leur protection. Une malhonnêteté donc, qui consiste à ce que le gérant s’attribue lui-même une indemnité de départ. Ce n’est pas joli et punissable par la loi.

  Mais voilà la surprise, et donc la pointe de la parabole : le patron apprend tout cela et loue le gérant. Le verbe grec (epaineô) signifie parfois, dans un sens dérivé, approuver. Ce qui est moins fort que louer. Le patron approuve, il passe l’éponge, il pardonne. Surtout il offre par ce geste une porte de sortie à son employé, une prime de licenciement, en quelque sorte, une planche de salut. Le maître a pitié de ce gérant qui a sans doute rendu aussi de bons services autrefois. Il permet à son ancien employé de survivre en acceptant de lui laisser indirectement une partie de ses biens.

  La justice que veut défendre Jésus se place au-dessus de la loi, parce qu’elle veut éviter que la punition n’écrase complètement le coupable. C’est une justice qui pardonne, parce que chacun doit avoir les moyens de vivre, même s’il a eu des comportements répréhensibles. Nous sommes avec cette parabole au coeur de l’enseignement de Jésus : certes la loi est nécessaire, pour dire ce qui est licite et ce qui ne l’est pas, pour répartir les richesses équitablement, pour permettre la vie harmonieuse en société. Elle doit donc punir ceux qui la contournent à leur seul avantage. Mais au-dessus de la loi, Jésus enseigne la compassion, explique que le pardon est nécessaire dans certaines situations, pour éviter la chute au fond de l’abîme, la marginalisation, l’exclusion de la société. Le pardon ne traite pas les hommes selon la justice de la loi, mais selon une justice qui lui est supérieure. Comme dit le Jésus matthéen : « Si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. » (Mt 5,20)

  Et nous voyons bien la tension existant entre la nécessité d’appliquer la loi et la nécessité d’être audessus de la loi, pour sauver des personnes qui sont en train de se perdre. Nous voyons cette tension tous les jours dans notre actualité. Le maître de la parabole a connu cette tension. Dieu lui-même dans l’Ancien Testament connaît de telles hésitations entre sa justice et sa bonté.

  Il n’y a pas de réponse simple à cette question. La société, et chacun de nous avec elle, sera toujours tiraillée entre la justice et la bonté.

Les évangiles nous montrent bien que Jésus, dans son enseignement de l’amour, se met très souvent au-dessus de l’application stricte de la loi pour sauver les personnes en difficulté, ici pour permettre à un homme et sans doute sa famille d’être repêchés par la société.

  La loi n’est pas immuable, elle est en mouvement, elle se modifie tous les jours ; nous le voyons bien en ce moment ! Et ce sont souvent les exemples de gestes hors la loi, mais animés par la compassion, qui font bouger la loi. C’est pourquoi la justice de Dieu se place au-dessus de la justice des hommes, pour la faire avancer. Ce patron, dans son acceptation de se laisser partiellement dépouiller, pour permettre à son intendant de se relever, a fait avancer la justice de Dieu. Et c’est depuis ce jour-là que les hommes se sont mis à réfléchir sur les indemnités de licenciement.

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À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

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