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Pasteur et psychanalyse

 

Pourquoi, quand on est pasteur, vouloir être formé à la psychanalyse, en revendiquer la pensée et se laisser instruire par la conception de l’humain qu’elle donne – surtout si on ne le fait pas dans une perspective psychothérapeutique ? En effet si, comme nous allons le voir, connaître la psychanalyse permet de réfléchir sur ce que nous sommes comme « êtres de parole », il ne s’agit pas pour autant de s’improviser thérapeute ! La prédication au sens large (sermon, étude biblique, accompagnement pastoral) peut avoir, et a souvent, des effets thérapeutiques, mais le strict cadre de la psychothérapie ne permet pas de confondre les deux approches.

Pour revenir à notre question, elle s’embrouille d’autant plus que, selon les images tronquées et partielles qu’on se fait parfois de la psychanalyse, on pourrait penser qu’elle réduit les questions métaphysiques à de simples problèmes psychiques. On sait par exemple que son fondateur, Freud, considérait la religion comme une sorte de névrose, en tout cas une « illusion », pour reprendre le titre d’un de ses livres (L’avenir d’une illusion, 1927). Par ailleurs, la psychanalyse fait aujourd’hui l’objet de plus en plus d’attaques de la part du monde médical : les thérapies sont jugées trop longues, pas efficaces, coûteuses. On lui préfère de plus en plus des approches médicamenteuses et comportementales.

Le présent propos n’est pas de régler ces questions. Qu’il nous suffise de signaler que, dans le registre de la philosophie et des sciences humaines en général, la psychanalyse continue très largement d’inspirer par le sérieux de son approche.

Ces questions permettent toutefois de relever une spécificité : l’humain n’est pas réduit à une machine Pasteur et psychanalyse Thibaut Delaruelle repères biologique dont il faut régler la chimie pour qu’elle fonctionne bien, ni à une sorte d’animal social qu’il faut rééduquer pour qu’il se sente mieux dans son environnement. En cela, le discrédit qui frappe la psychanalyse n’est pas bon signe pour l’humain qui est ainsi toujours davantage réduit à des déterminismes. Or la spécificité de la psychanalyse, c’est qu’elle est constituée par l’écoute et considère le sujet dans sa parole et son histoire. Loin de réduire sa souffrance à des dysfonctionnements et sa santé à des normes préétablies, la psychanalyse cherche à démêler voire à retisser tous les fils d’une histoire dans laquelle un sujet est pris et qui lui reste largement inconsciente. Ces fils sont ceux de la parole car nous sommes tous enfants de la parole. Parole blessée, manquante, mauvaise, ou au contraire bonne, édifiante, bénissante, qui revient à la surface lorsque le sujet est en situation de se raconter.

C’est bien ce lien à la parole qui fait de la psychanalyse l’approche humaine sans doute la plus analogue à la perspective biblique pour laquelle tout est en quelque sorte issu de paroles. La Bible nous parle des multiples avatars de la parole, qu’elle soit divine, humaine ou diabolique : parole créatrice, parole d’alliance, de justification, de libération et de salut, mais aussi parole tentatrice blasphématrice et maudissante… Lien parfaitement résumé dans le prologue de Jean : « La parole s’est faite chair » (Jean 1,14).

Pour résumer, on peut dire que c’est en approfondissant la dimension de la parole de l’humain que la psychanalyse permet au théologien de mieux articuler le verbe évangélique

 

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À propos Thibaut Delaruelle

est pasteur de l’Église protestante unie de France à Nice.

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