Desmond Tutu nous aide à pardonner

À Noël dernier, l’ancien archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, icône de la lutte contre l’apartheid et Prix Nobel de la paix en 1984, s’est éteint. Tutu est une de mes grandes sources d’inspiration. J’ai écrit ma thèse sur la Commission « Vérité et réconciliation » que Tutu a présidée. Cette commission fut chargée d’enquêter sur les violations des droits humains pendant l’apartheid. Tutu, inspiré par sa foi profonde, y prêche le pardon.

Avec sa fille Mpho (pasteur elle aussi, et depuis janvier ma collègue à Vrijburg, Amsterdam), Desmond Tutu a écrit un très bel ouvrage, Le livre du pardon. Desmond et Mpho Tutu nous livrent en toute sincérité, sans cacher ni leurs doutes ni leurs échecs, un magnifique livre sur le pardon, ou « pourquoi le pardon est notre plus grande richesse et notre unique espoir ». La voie du pardon n’est pas facile, elle exige de surmonter des sentiments de haine et de colère, dans un brouillard de deuil, de perte et de douleur. Ce livre est un guide très concret qui a conduit le lecteur pas à pas sur le long « quadruple chemin du pardon ». Ces quatre étapes sont les suivantes.

1. Raconter l’histoire. En racontant notre histoire, nous retrouvons notre dignité après avoir été blessés.C’est ainsi que nous commençons à prendre conscience de notre souffrance et nous y attachons un sens. Il n’est pas toujours facile de raconter son histoire, mais c’est la première étape cruciale sur le chemin de la liberté et du pardon. Quand on raconte son histoire, on n’a plus à porter seul le fardeau de notre souffrance.

2. Nommer la blessure. Nous sommes tous blessés d’une manière unique. Le plus important est de partager notre chagrin, notre douleur, notre peur et notre souffrance. Lorsque nous exprimons cette douleur, nous commençons à guérir.

3. Accorder le pardon. Nous sommes capables de pardonner parce que nous sommes capables de reconnaître notre humanité commune. Ainsi, nous reconnaissons aussi que nous sommes tous des êtres humains fragiles, vulnérables, faibles, capables d’insouciance et de cruauté. Nous choisissons le pardon parce que c’est le seul moyen de devenir libre. C’est comme ça que l’on passe de victime à héros.

4. Renouveler ou rompre la relation. La décision de renouveler ou d’abandonner une relation est un choix strictement personnel. C’est aussi un choix valable que de décider d’abandonner une relation. Néanmoins, la poursuite du renouvellement de la relation ou de la réconciliation est toujours préférable, à moins qu’elle ne mette en péril sa propre sécurité. Et avec cet objectif : avec chaque acte de pardon, grand ou petit, nous allons vers la complétude. Les quatre étapes m’aident dans la vie de tous les jours. Par exemple, dans les petites disputes avec ma femme, nos enfants, avec des amis ou membres de la communauté religieuse. La réconciliation commence par l’écoute. Quelle est l’histoire de l’autre ? Ses arguments, sentiments et pensées ? Et quelles sont ses blessures ? C’est seulement ensuite que l’on peut accorder le pardon et renouveler la relation. Mais cette dernière étape n’est pas une obligation. Parfois, on ne le peut plus. On n’en a plus envie ou on n’a plus d’espoir. Tutu nous offre la liberté, la possibilité de se réconcilier mais ensuite de décider de ne plus se voir. Cette possibilité m’a offert beaucoup de liberté dans certains cas concrets dans ma vie. Dans d’autres cas, Dieu merci, les étapes de Tutu m’ont aidé à me reconnecter à mes proches, à mieux les comprendre et aimer

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