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Le verbe « croire »

 

« Je crois qu’il croit que je crois ce qu’il croit que je suis tenu de croire » : la phrase est un peu compliquée, mais elle me semble rendre très bien compte des malentendus qui ne cessent de se manifester à propos de l’idée ou de la réalité même de la religion, de la part de gens qui croient pouvoir se considérer comme étrangers à toute nuance de religion aussi bien que de personnes qui, émargeant à une forme ou une autre de religion, cherchent à se situer elles-mêmes par rapport à d’autres croyants ou à exprimer ce que ces autres devraient être pour être vraiment croyants.

Ainsi, par exemple, à propos des musulmans. Si je fais remarquer que certains d’entre eux sont authentiquement libéraux dans leur manière d’être, de penser et d’exprimer leur foi, on va me rétorquer : Oui, mais s’ils sont et se reconnaissent relevant de l’islam, ils ne peuvent pas ne pas croire ceci ou cela (je laisse ici à dessein dans le vague ce qu’ils seraient censés devoir croire ou ne pas croire).

Le même phénomène de parti pris se retrouve, même si c’est souvent à mots couverts, dans les allusions que des esprits qui se veulent laïques, agnostiques, voire athées, peuvent faire à des chrétiens : s’ils sont chrétiens, ils ne peuvent pas ne pas croire que… Et leur imagination de s’en donner à cœur joie pour prêter à ces « chrétiens » des croyances contestables (toute croyance est contestable !) auxquelles ils ne souscrivent pas nécessairement ou dans une acception à laquelle ils ne sauraient souscrire.

L’argument, remarquons-le, peut se retourner : qu’est-ce que sont censés croire ou ne pas croire celles et ceux qui, justement, se considèrent comme des partisans ou des représentants de la laïcité ? Ou pour le dire autrement : que croyons-nous qu’ils devraient croire ou ne pas croire ? Comment, en effet, ne pas se demander si, dans bien des cas, le parti pris de laïcité n’est pas, en un certain sens, une manière de croire… La question rebondit évidemment dans les différentes formes de christianisme. Un simple fidèle croit-il tout ce que croit son prêtre ou son pasteur ? Mais ce dernier, que croit-il ou qu’est-il censé croire ? En perspective catholique, c’est assez simple, du moins en théorie : tout un chacun est censé adhérer implicitement à ce que croit son Église. Faudrait-il alors renoncer à se demander ce qu’on croit vraiment pour éviter d’en venir à constater qu’en l’occurrence, à propos de points majeurs ou mineurs, on ne croit pas ce qu’on serait justement censé croire ?

Les protestants semblent à meilleure enseigne, mais seulement dans la mesure où ils ne croient pas nécessaire de s’imposer les uns aux autres, ministres compris, de croire ce que chacun ou chacune serait censé devoir croire. Croire, c’est souvent et à plusieurs égards accepter de ne pas croire. Comme le père de l’enfant épileptique le dit à Jésus : « Je crois, viens au secours de mon incrédulité ! »

 

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

Un commentaire

  1. feriaud.pierre@gmail.com'

    Quelques idées de réponses à cet article article:

    1) Vous n’accepterez aucune idée que vous ne compreniez et ne jugiez vrai
    2) Ne vous payez pas de mots ;n’accordez à qui que ce soit une confiance aveugle, mais écoutez tous les hommes avec attention et déférence
    3) Ayez la ferme résolution de comprendre
    4) Respectez toutes les opinions mais ne les acceptez pour justes que si elles vous apparaissent comme telles après les avoir examinées
    etc…..

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