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La sensibilité laïque du judaïsme

 

La laïcité est éminemment compatible avec le judaïsme, parce que cette religion n’est pas prosélyte et parce que la laïcité a été un gage d’émancipation pour les membres du peuple juif. Bien sûr, des frictions peuvent survenir – il faut distinguer le désir de conserver un mode de vie (cacherout, circoncision, shabbat…) et celui de se plier aux règles de la cité selon le principe que « la loi du royaume est la loi ». Mais comme plusieurs, j’observe une dérive récente de la laïcité en France, son utilisation comme une arme visant essentiellement les musulmans. Certaines controverses, comme les polémiques sur l’alimentation halal, peuvent du reste créer une solidarité entre nos minorités.

À l’opposé, en Israël, la laïcité n’existe pas ; la paix sociale n’est possible qu’au prix d’un pluralisme juridique et religieux où le droit personnel est géré par des tribunaux religieux (rabbiniques pour les juifs, de la charia pour les musulmans et autorités chrétiennes selon les obédiences). Autant cette situation donne une dimension multiculturelle que les gouvernements aiment mettre en avant, autant cela peut aussi tendre à ralentir certains progrès, notamment sur les droits des femmes.

Une différence de sensibilité entre ces deux pays, c’est qu’en France il est possible d’être religieux et laïc. En Israël, le mot de laïcité n’existe pas, il n’existe qu’un mot qu’on peut traduire par « sécularisation ». Si on se dit sécularisé, on est considéré comme a-religieux ; à l’inverse si on se dit religieux, on est présumé penser que l’espace public doit suivre le calendrier juif, que tout doit être fermé pour shabbat, être contre la création d’un mariage civil, etc. Être à la fois religieux et pour une laïcité de l’appareil d’État est une position atypique. En conséquence, défendre certaines causes, par exemple l’amélioration des conditions des femmes dans le cadre du guett (le divorce religieux) est un double combat : religieux – l’interprétation de la halakha – et politique – garantir aussi un droit civil encadrant le divorce, contre le monopole des tribunaux religieux.

 

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À propos Noémie Issan-Benchimol

est diplômée en Philosophie et Études Hébraïques de l’ENS Ulm et prépare une thèse à l’EPHE sur le serment judiciaire en droit talmudique.

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