On peut bien sûr se demander s’il y a un sens à dénoncer, du haut de son érudition, les errements historiques du candidat à la présidentielle. Après tout, bien d’autres hommes politiques avant Éric Zemmour ont usé et abusé de l’histoire, dans un sens comme dans l’autre. Mais les auteurs de ce petit brûlot savamment orchestré nous avertissent d’emblée qu’une telle réflexion serait par trop rapide. Car avec Éric Zemmour, ce n’est pas d’une simple instrumentalisation qu’il s’agit, mais bien d’une véritable falsification dont l’objectif est clair : instiller la haine des autres (surtout musulmans et Africains) en présentant l’histoire de France comme une lutte de tous les instants contre ces hordes de dangereux barbares qui, chacune à son tour, ont voulu détruire cette douce France qui n’en demandait pas tant. Nos lecteurs veulent-ils se persuader de cette thèse ? Qu’ils ouvrent ce petit livre aux pages 14-16. Ils y découvriront ces mots d’Éric Zemmour : « il faudrait un implacable Richelieu combattant sans relâche l’État dans l’État et les partis de l’Étranger pour abattre les La Rochelle islamiques qui s’édifient sur le territoire. » Lecteurs protestants, libéraux ou non, vous voilà avertis : vous êtes le parti de l’étranger et, dans l’esprit du candidat Zemmour, le parent à peine fréquentable des salafistes et autres jihadistes de notre époque. Qui l’eut cru ! Plus de cent ans après la réhabilitation de Dreyfus et alors que nous nous apprêtons à commémorer le massacre de la Saint-Barthélemy, voici l’ombre de Maurras rappelée des Enfers… la beauté de la langue en moins ! Car Zemmour ne pleure pas les victimes de la Cour du Louvre ou du Faubourg Saint-Germain – tout au contraire, le voilà qui déplore que Catherine de Médicis, cette « Italienne », n’ait pas su finir le travail correctement : répondant au « fondamentalisme huguenot » et à l’arrogance des protestants « intolérants, persécuteurs de catholiques », Catherine, faible femme, aurait eu bien besoin d’un homme, un vrai, d’un Richelieu (ou d’un Zemmour ?) pour finir d’éradiquer la peste protestante. Que l’on ne se leurre pas : Zemmour ne fait pas que détourner l’histoire. Il en use comme d’une arme dans une guerre au cœur de laquelle il a d’ores et déjà désigné ses ennemis. Et si vous aimez lire ce journal, il y a des chances que, sans même le savoir, vous en fassiez déjà partie.
(Collectif ), Zemmour contre l’histoire, Paris, Gallimard, collection « Tracts » N° 34, 2022.
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