« Il faut que les chrétiens réagissent à la torture ensemble »Hélène Engel et Édith du Tertre

Au printemps 1974, Hélène Engel (1902-1984) assiste à une conférence du pasteur et théologien vaudois, Tullio Vinay (1909-1996), qui témoigne des tortures et des traitements inhumains que subissent les prisonniers politiques lors de la guerre du Vietnam. Il interpelle les chrétiens : « Pendant combien de temps, nous, chrétiens, laisserons-nous défigurer le visage du Christ sans réagir ? » Indignée par ces violences et le silence accablant de trop de chrétiens, Hélène Engel se mobilise à 72 ans avec son amie Edith du Tertre (1912-2005) pour s’engager dans la lutte contre la torture partout dans le monde. Protestantes, toutes les deux filles de pasteur, membres de l’Église réformée de France, elles invitent des amis protestants, catholiques et orthodoxes à se mettre à l’œuvre ensemble. Le jeune pasteur baptiste Jean-Yves Thobois (1948- ) les rejoint dans leur travail de sensibilisation des chrétiens et des Églises aux violations des droits humains et deviendra le premier président de l’association.

Le 16 juin 1974, un groupe d’une quarantaine de chrétiens d’appartenances confessionnelles diverses se réunit à la maison des Diaconesses de Reuilly, une communauté religieuse protestante, à Versailles, pour fonder le mouvement qui, en septembre 1974, prend le nom de « Action des chrétiens pour l’abolition de la torture. » Hélène Engel, alors vice-présidente de l’association, ouvre la première Assemblée générale de l’ACAT avec cette affirmation : « La foi chrétienne est […] facteur de liberté et de justice, elle ne nous sépare pas du monde créé par Dieu ou de la société des hommes, elle nous y plonge pour que nous y vivions en responsables. »

Sa déclaration reflète l’une des priorités théologiques des fondatrices de l’ACAT. Comme Jésus dans l’évangile qui s’identifie avec toute personne en souffrance, suivre le Christ exige de se sentir concerné par les situations d’injustice et les personnes éprouvées et d’agir en conséquence, pour le respect de la dignité des personnes et de leurs droits et pour contribuer à la construction de la paix du monde. Pour Hélène Engel et Edith du Tertre : « Il faut que les chrétiens réagissent à la torture en quelque lieu que ce soit, et qu’ils réagissent ensemble. » En effet, l’exigence et l’esprit œcuméniques de l’action et du témoignage communs des chrétiens sont constitutifs de l’identité même de l’ACAT.

Aujourd’hui, l’ACAT-France, association loi 1901 reconnue d’utilité publique, continue à s’inspirer de l’évangile, et en particulier, de Mt 25,40 : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait, » ainsi que de l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » Son mandat s’articule autour de quatre axes : lutter contre la torture, abolir la peine de mort, protéger et accompagner les personnes victimes et défendre le droit d’asile. La prière, fondement et prolongement de la mobilisation des chrétiens, est toujours œcuménique et respectueuse des sensibilités différentes, mais ne s’impose à aucun membre dans son engagement personnel. À l’occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture le 26 juin, l’ACAT-France et un grand nombre d’ACAT à travers le monde organisent depuis 2006 la « Nuit des Veilleurs » pour appeler à veiller et/ou à prier pour les personnes torturées.

https://nuitdesveilleurs.fr/fr/

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