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La naissance miraculeuse de Jésus

 

Noël suscite beaucoup de questions. Certaines sont théologiquement très intéressantes, d’autres relèvent d’un folklore qui peut amuser. Par exemple : peut-on être chrétien sans croire à la naissance miraculeuse de Jésus ? Ou bien (je l’ai réellement entendue) : convient-il d’attendre le 24 au soir pour mettre le petit Jésus dans la crèche ? Essayons de mettre un peu d’ordre dans le joli fouillis de Noël.

  Ce que disent les textes néotestamentaires

Quand on pense à la naissance miraculeuse de Jésus, on fait souvent un mélange de différents récits. On imagine les mages (il n’est pas dit qu’ils sont rois) de Matthieu et les bergers de Luc ensemble auprès de Marie, Joseph et Jésus dans une étable, qui n’existe pas dans le récit de Matthieu. Elle n’existe pas pour une bonne raison : dans l’évangile de Matthieu, Marie et Joseph vivent à Bethléem et non à Nazareth. Ce n’est que dans l’évangile de Luc que les futurs parents doivent se déplacer jusqu’à Bethléem et, n’y trouvant pas de lieu pour dormir, trouvent refuge dans une étable.

Voici ce que disent Paul et les évangiles canoniques. Matthieu indique que Marie se trouve enceinte avant de vivre avec Joseph, alors qu’ils sont fiancés, et que c’est en songe que Joseph reçoit la demande de garder sa promise. Quant à Luc, il écrit que Marie reçoit l’annonce qu’elle sera enceinte, ce qui la surprend car elle ne « connaît pas » d’homme. On ne connaît pas la réaction de Joseph. L’ange Gabriel précise à Marie que l’esprit saint la « couvrira comme une ombre ».

Paul, Marc et Jean ne disent rien d’une naissance miraculeuse. De tous les textes canoniques que nous lisons, Paul et Marc sont ceux qui ont écrit les premiers et ils semblent ne pas connaître ces récits, ou ne pas les trouver assez intéressants pour les mentionner. Paul ne dit qu’une chose à propos de la naissance de Jésus : il est « né d’une femme » et sous la loi (Ga 4,4). Rien dans cela n’indique une naissance hors du commun. Quant à Jean, qui écrit le dernier évangile canonique, il choisit de ne pas reprendre les récits. Cela signifie qu’à son sens, il n’y avait rien qui relevait du salut dans la naissance de Jésus et qui aurait donc nécessité d’être intégré dans son évangile.

  Comment comprendre les généalogies

Les évangiles de Matthieu et Luc mentionnent chacun des généalogies de Jésus, mais elles diffèrent. Ils ne sont pas même d’accord sur le prénom du père de Joseph ! Matthieu dit qu’il s’appelle Jacob tandis que Luc affirme qu’il s’appelle Éli. Cela nous pousse à comprendre que ces généalogies ne sont pas à comprendre comme de véritables arbres généalogiques fiables mais comme des manières d’inscrire Jésus dans une histoire. Jésus, en raison de son histoire familiale, peut prétendre au titre de Messie. Autre indice que ces généalogies ne sont pas à comprendre littéralement : le nombre de générations ne correspond pas à ce qui est annoncé, ou représente un nombre d’années qui n’a aucune crédibilité. Le fait que Matthieu mentionne des noms de femmes est remarquable : cela n’est pas la pratique usuelle, seuls les hommes sont nommés. Matthieu donne à Jésus quatre « grands-mères » hors du commun : Tamar, qui eut des enfants avec son beaupère, Rahab, une prostituée, Ruth, qui s’est glissée dans le lit de Booz, et « la femme d’Urie » (Bethsabée) avec qui David eut Salomon. C’est via toutes ces transgressions que l’histoire du salut a avancé, jusqu’à permettre la naissance de Jésus.

 Quel sens tirer de tout cela

Les « grands-mères » de Jésus ont chacune vécu une situation qui les a placées hors des conventions sociales. Marie aurait-elle connu le même sort ? Deux hypothèses ont été formulées : elle aurait été violée par un soldat romain (cette rumeur remonte à l’antiquité) ou elle aurait eu des relations sexuelles avec Joseph avant leur mariage (ce qui peut sembler contradictoire avec le fait que Matthieu indique que Joseph souhaite la « renvoyer en secret »). Malgré cela, et au minimum malgré les rumeurs sur son compte, c’est bien elle qui porte le sauveur. De l’histoire de Marie, je tire une assurance : jamais la dignité de l’homme ne peut être atteinte aux yeux de Dieu, et le plus petit, le plus faible, le plus rejeté d’entre tous peut être témoin de Dieu. La naissance miraculeuse de Jésus est pour moi porteuse d’un message d’espoir et de relèvement.

 

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À propos Abigaïl Bassac

est titulaire d’un master de l’École Pratique des Hautes Études (section des sciences religieuses) et étudiante en master de théologie à Genève. Elle est assistante des enseignants à l’Institut Protestant de Théologie et directrice de la rédaction d’Évangile et liberté.

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