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Approche libérale de la musique religieuse

 

Qu’est-ce qu’une musique « religieuse » ? La question semble simple, mais elle ne l’est pas. Pourtant elle se pose parfois : quel genre de concert peut-on accepter dans son église, ou quelle musique est-il opportun ou déplacé de diffuser au cours d’un service religieux ?

La réponse évidente semble être qu’une musique religieuse est une musique qui a été composée spécifiquement pour un contexte de célébration spirituelle, les autres sont profanes. Mais cette séparation stricte entre le sacré et le profane est impossible à tenir. Luther lui-même a récupéré des chansons populaires légères pour en faire des chorals chantés pour la gloire de Dieu.

Alors on peut être tenté de suivre Calvin : toute musique est profane, la seule qui puisse avoir sa place dans un temple est celle qui a des paroles spirituelles, et plus particulièrement bibliques. N’étaient admis alors au culte que les Psaumes chantés à l’unisson, ou avec une harmonisation verticale de façon à ce que les paroles soient parfaitement intelligibles. C’est alors le texte de la musique qui la rend religieuse, et il n’y a pas de musique religieuse sans paroles ! Mais là encore, c’est impossible à tenir : une mélodie connue peut, à elle seule, évoquer un texte implicitement. Ainsi les chorals de Bach sont de la musique religieuse parce connaissons bien, mais alors les préludes et fugues pour orgue n’en seraient pas. Pourtant ces pièces purement instrumentales trouvent bien leur place dans nos cultes !

Alors est-ce le genre de la musique qui la rend religieuse ? La musique classique serait « de bon goût », et le rock, le rap ne seraient pas bienvenus. Pourtant il y a aujourd’hui du rock et du rap chrétiens, et l’orgue, instrument d’église à proprement parler, n’est plus nécessairement convoqué.

Mais on ne peut en rester à cette idée qu’une musique ne serait religieuse que si elle dit ou évoque des paroles spirituelles. Réduire la musique à un support de paroles est mépriser la musique. La musique en elle-même a un effet sur celui qui l’écoute. Son seul sens n’est pas non plus donné par l’intention du compositeur. La question fondamentale est de savoir ce qu’est le « religieux », et ce qui ne peut prétendre à l’être. Là, chaque tendance théologique aura sa réponse. Le traditionaliste dira que ne peut prétendre à être musique religieuse que celle qui s’inscrit dans l’histoire de l’Église, le charismatique, celle qui dit une louange, le dogmatique ne voudra que des cantiques aux paroles éprouvées, et le communautariste des chansonnettes suffisamment faciles pour que tout le monde puisse les retenir et les chanter ensemble.

Pourquoi donc faudrait-il ainsi cloisonner le religieux ? Il n’y a pas dans la logique protestante de séparation entre le sacré et le profane. Tout peut être sacré, et tout peut être fait pour la gloire et la louange de Dieu. La tendance de la théologie libérale ouvre justement le religieux à tous les horizons, refusant les frontières, les anathèmes, et luttant contre tous ceux qui prétendent prendre le religieux en otage et dire eux-mêmes mieux que Dieu ce qui est ou n’est pas « évangélique », ce que Dieu aime et ce qu’il n’aime pas.

En revanche, dire que tout est religieux est le risque d’une pensée libérale trop ouverte ; à force de dire que le religieux est partout et sous mille formes, on finit par le faire disparaître lui-même, puisqu’il n’a plus d’identité.

Alors s’il fallait trouver un critère dans l’Évangile, on pourrait suivre Jésus et dire qu’on reconnaît l’arbre à ses fruits. Une musique « évangélique », c’est une musique qui produit chez ceux qui l’écoutent des fruits de l’Esprit : paix, tranquillité, joie, vie et harmonie. Il y a en effet des musiques qui « élèvent l’âme » comme on disait autrefois, et d’autres qui excitent bêtement, ou agacent par leur médiocrité. La musique est au service de Dieu quand elle est belle et qu’elle fait du bien. C’est ce vers quoi nous devons tendre pour nous y soumettre.

 

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À propos Louis Pernot

est pasteur de l’Église Protestante Unie de France à Paris (Étoile), et chargé de cours à l’Institut Protestant de Théologie de Paris.

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