«Parler d’une seule voix. » C’est le meilleur argument, je dois l’avouer, pour soutenir la pertinence et l’utilité d’un ministère pontifical au XXIe siècle. La parole porte lorsqu’elle est incarnée par un visage. D’autant plus qu’à lire l’actuel évêque de Rome, on est loin d’un Pie IX qui, en 1854, qualifiait l’Église romaine de « mère et maîtresse de toutes les Églises ». François n’est pas de cette trempe. Ou pour le dire en termes catholiquement corrects : le pape déploie d’autres aspects de la doctrine dans une fidélité créatrice au magistère. « Je ne crois pas […] qu’on doive attendre du magistère papal une parole définitive ou complète sur toutes les questions qui concernent l’Église et le monde », défend-il dans son exhortation Evangelii Gaudium (2013). Mais François va plus loin. « Parfois [l’évêque] se mettra devant pour indiquer la route et soutenir l’espérance du peuple […], et en certaines circonstances il devra marcher derrière le peuple, pour aider ceux qui sont restés en arrière et – surtout – parce que le troupeau lui-même possède un odorat pour trouver de nouveaux chemins. » François renverse les hiérarchies, comme lorsqu’il demandait au premier jour de son élection que les fidèles prient pour lui, soulignant par là son humanité plus que son « infaillibilité ».
Mais malgré ces efforts, un problème de taille demeure, à mon avis. Combien de fois des chrétiens se sont-ils réunis entre bons croyants en écartant les hérétiques, pour mieux proclamer une fausse unanimité, et ce dès les premiers siècles de l’Église ? Tout accord n’est pas bon. Et le risque de cléricalisme est fort lorsque quelques-uns prétendent parler au nom de millions d’autres, devenus invisibles. Le catéchisme romain reflète-t-il la foi des catholiques ? Un coup d’oeil aux enquêtes d’opinion permet d’en douter. L’Évangile nous appelle non à ignorer la voix des autres, mais à les faire exister à nos yeux en leur redonnant la parole.
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