C’est une critique souvent adressée à la théologie libérale : loin de proposer au croyant un avenir après la mort (un « salut »), elle se complairait dans une sorte de « mortel » présentéisme. La réponse a souvent consisté à rappeler que, sans conséquence dans le présent (et, avant tout, sans conséquence éthique), l’affirmation d’un avenir post-mortem n’avait aucun sens. Il n’y a pas de raison de s’opposer à cette réponse : pour la foi chrétienne, le salut est bien le contraire d’un désengagement du monde. Mais elle ne suffit pas ou, pour le dire autrement, elle nécessite d’être fondée, théologiquement parlant. Dès lors se pose une question : comment comprendre le salut sans s’en remettre à une lecture mythologique et supra-naturelle ?
Il faut ici tenter de saisir ce qui se cache derrière l’idée de salut. Pour faire bref, disons qu’il y a de bonnes raisons de penser que la doctrine du salut vient surtout répondre à la double réalité de la mort et de la finitude humaine. Affirmer la possibilité du salut, c’est donc rappeler que la mort ne nous condamne pas au néant. Il ne s’agit pourtant pas de prétendre que la mort et la finitude ne sont rien. Confesser le salut, c’est plutôt dire sa foi dans la capacité des forces divines présentes en chacun de nous de l’emporter sur la mort et la finitude, ici et maintenant. Du coup, cela suppose aussi de reconnaître que la vie qui est la nôtre n’est pas une réalité à conquérir, mais plutôt un don que nous sommes appelés à accepter telle qu’elle se donne à nous. Le salut ne s’épuise donc pas dans un enseignement moral ou plutôt, s’il comporte une dimension morale, c’est parce que la foi en la possibilité d’une vie vécue pleinement porte en elle le désir de voir chacun faire à son tour l’expérience de cette existence limitée mais vécue en plénitude. Certes, la possibilité d’une vie pleine et entière (mais aussi celle de son contraire) peut toujours être source d’angoisse – et de ce point de vue, le salut ne s’identifie pas au bonheur (« trouvaille mensongère ! » disait Kierkegaard). Car le salut n’est rien d’autre que la foi jointe à sa conséquence, ici et maintenant : la liberté.
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