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Éviter la rupture de lien

 

Pouvez-vous nous présenter le Foyer de La Duchère ? Christian Bouzy : Le Foyer protestant a été créé en 1963, alors que le quartier était en construction. Depuis cette époque, le projet n’a pas changé : il s’agit de tisser de la fraternité pour des habitants qui viennent d’horizons et de cultures différents. Ce projet se décline dans quatre directions : s’accueillir, s’entraider ; favoriser l’expression de chacun et la rencontre des cultures ; s’éduquer à la citoyenneté ; se ressourcer spirituellement et dialoguer autour de nos convictions. Notre maison est ouverte tous les jours et il y a toujours quelqu’un pour accueillir, préparer la table avec du café et du thé. Le premier axe d’action est l’accueil basé sur la réciprocité : s’accueillir et s’entraider. Chacun reçoit de l’autre et chacun apporte à l’autre. Les habitants qui sont accueillis dans un premier temps, sont invités ensuite à accueillir à leur tour. Notre deuxième axe d’action est de favoriser l’expression de chacun et la rencontre des cultures. Cela se décline à travers des animations culturelles variées et des temps de débat sur des sujets d’actualité.

Et bien sûr de nombreuses actions de soutien et de conseil sont mises en œuvre. Des écrivains publics accompagnent les personnes dans leurs démarches administratives ou pour les orienter vers une structure plus compétente. La CIMADE propose aux étrangers un accompagnement juridique. Une médiatrice intervient pour les questions liées à la santé. Une équipe de conseillers en insertion professionnelle anime un café emploi. Nous avons également mis en place un vestiaire solidaire pour recycler, favoriser les liens sociaux, vivre l’entraide.

 A.M. : Quels sont les enjeux sociaux et/ou culturels auxquels vous devez faire face ?

C.B. : Il y en a eu plusieurs mais les plus importants sont la lutte contre deux fléaux : d’une part, l’isolement qui entraîne la marginalisation des personnes les plus vulnérables et, d’autre part, le repli identitaire et le rejet de l’autre. Le Foyer et les autres structures sont là pour favoriser l’expérience de l’altérité et montrer ainsi que les différences culturelles sont fécondes dès lors qu’on les fait interagir.

 A.M. : Comment avez-vous pu continuer à fonctionner pendant cette période ?

C.B. : Nous avons dû interrompre toutes les actions collectives alors que toutes nos activités sont basées sur la convivialité et les relations. Il a donc fallu faire preuve d’imagination pour préserver les liens existants et en tisser de nouveaux tout en restant à distance. Nous avons lancé de nouvelles actions adaptées pour éviter le plus possible la rupture de lien : la veille téléphonique en direction des personnes les plus vulnérables ; le portage de courses pour les personnes seules ; un accompagnement écrivain public par téléphone ou via internet ; la confection de colis de Noël pour les personnes seules à la place du traditionnel repas du 25 décembre. Et puis nous avons essayé de pallier l’impossibilité de se rassembler en proposant des temps collectifs via Internet, mais la fracture numérique en a laissé, hélas, beaucoup au bord du chemin.

 A.M. : La pandémie a-t-elle modifié les comportements des personnes qui fréquentent le Foyer ?

C.B. : Elle a suscité de la désespérance chez les personnes les plus dépendantes, et la culpabilité d’être un poids pour la société. Mais la pandémie a aussi révélé beaucoup de solidarité et d’entraide : des voisins qui sont allés apporter des repas ou proposer leur aide aux plus âgés. Beaucoup ont dit combien ils avaient souffert du confinement, mais beaucoup ont témoigné du fait que cette période singulière les avait recentrés sur des questions plus essentielles.

 A.M. : Pensez-vous que de nouvelles solidarités peuvent naître ?

C.B. : C’est trop tôt pour le dire. Mais je me prends à rêver qu’il résultera de cette crise une prise de conscience collective sur notre commune vulnérabilité et sur la nécessité d’être davantage solidaires, coopératifs et attentifs à l’autre.

(propos recueillis par Alain Mahaud)

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À propos Christian Bouzy

est pasteur depuis plus de trente ans, dans différents postes, paroissiaux, animation jeunesse, présidence de région, mission DEFAP aux Antilles et équipier de la mission Populaire Évangélique de France depuis presque dix ans.

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