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Le mutazilisme, islam du sens

 

Ces dernières années, le mutazilisme revient sur le devant de la scène islamique en tant que modèle d’inspiration du réformisme contemporain. Tous les réformistes ne sont pas mutazilites, mais le mutazilisme semble être une source importante des débats internes aux musulmans, de France et d’ailleurs, ce qui lui donne un air de modernité.

Cette revivification de la pensée mutazilite, ne doit pas induire en erreur. Le mutazilisme a été l’une des toutes premières écoles théologiques de l’islam (début VIIIe siècle), si ce n’est la première. Mais en réalité, cette revivification du mutazilisme traduit la réémergence du plus ancien conflit théologique interne à l’islam : celui qui oppose les partisans de l’imitation (naql), à ceux de la raison (aql) pour comprendre et vivre la religion.

En effet, dès les premières élaborations théologiques moins d’un siècle après la mort du prophète Muhammad (632), les Anciens (salaf ) se sont opposés sur la manière de comprendre et de mettre en pratique la religion musulmane. Il est possible de schématiser cette opposition comme suit : les partisans de l’imitation, appelée école du Hidjaz (Arabie occidentale), estimaient que la « loi » religieuse (pratiques, prescriptions et commandements comme prière, jeûne, interdits divers etc.) devait être appliquée en imitant le prophète et les plus anciens sans chercher de sens, de raison ni de pourquoi. C’est le fameux bila kayfa (« sans commentaire », cher aux traditionalistes sunnites). On doit imiter la compréhension des compagnons et de leurs disciples. La seconde école, appelée école de Koufa, ou école irakienne, estimait que la « loi » religieuse a un sens, elle est empreinte de sagesse, elle est donc rationnelle (aql). Ainsi, si Dieu nous prescrit de jeûner par exemple, c’est parce qu’il y a du bon pour l’être humain à jeûner.

Le mutazilisme se veut aujourd’hui, comme il l’a été jadis, porte-étendard de l’approche rationnelle de la théologie islamique contre l’approche littéraliste omniprésente dans le sunnisme. En un mot l’opposition de la lettre et de l’esprit !

 

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À propos Faker Korchane

est professeur de philosophie en lycée ; ancien journaliste spécialisé sur les questions religieuses ; il est aujourd’hui président de l’Association pour la renaissance de l’islam mu’tazilite (ARIM).

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