Saint Jan Hus et saint Jérôme de Prague

  Précurseur du protestantisme pour les uns et de la libre-pensée pour d’autres, Jean Hus est canonisé avec Jérôme de Prague au sein d’une partie de l’Église orthodoxe : comment expliquer ce lien insoupçonné entre les mondes protestant et orthodoxe ? Par ailleurs, Jean Hus reste un héros national en Tchéquie, et le jour de son martyre est férié. Notons d’abord que le courant hussite a connu toute une déclinaison de mouvements divers : Taborites, Horébites, Unitas Fratrum ou encore les Utraquistes… Ces derniers vénéraient Jean Hus et Jérôme de Prague comme saints, selon des rites liturgiques anciens, parfois en partie en latin ou avec des Requiem. Un morceau de la chaire de Jean Hus était vénéré en tant que relique à la chapelle de Bethléem de Prague. Leurs représentations étaient entourées de nimbes sur des autels, dans des églises qui leur étaient consacrées, permettant un parallèle avec d’autres figures de saints, voire Job. Il existait aussi le 6 juillet la commémoration de tous les saints hussites, marqueur identitaire pour les Utraquistes. Après 1527, les Utraquistes se diviseront, et les vieux-Utraquistes resteront fidèles à leur foi de toujours. Pour autant ces derniers ont toujours désiré une réconciliation avec Rome, et par bien des aspects ils évoquaient davantage des Anglicans anglo-catholiques plutôt que des protestants assumés. Il y eut aussi chez eux, ainsi que chez les Frères, des tentatives de réunion avec l’Église orthodoxe, notamment en 1452, mais elles échouèrent. Ces tentatives s’expliquent : dans De Six Erroribus, Jean Hus avait critiqué l’Eglise catholique recourant à l’Écriture aussi bien qu’aux écrits patristiques et aux lois canoniques, faisant écho à la tradition orthodoxe. Il affirma aussi que le pape avait excommunié l’Église orthodoxe par erreur. Jérôme de Prague, lors de son séjour à Vitebsk et Pskov en 1414, a prié devant les icônes, s’est laissé pousser la barbe et a même affirmé que la religion des « infidèles » russes était parfaite. Lors du concile de Constance en 1416, il affirma que les Tchèques descendaient des Grecs, que les Ruthènes et les schismatiques étaient de bons chrétiens. Cette sympathie expliquerait que lors du concile de Bâle en 1431, l’Église catholique refusa d’accéder à la demande hussite de la présence d’autres Églises chrétiennes, notamment l’Église orthodoxe Or cette dernière considéra longtemps Jean
Hus comme hérétique. Pourtant à partir de 1840, les slavophiles russes virent en Jean Hus le témoin d’une pérennité de la foi originelle, d’une identité orthodoxe inconsciente. On a pu affirmer que sa foi ne se distinguait de l’Orthodoxie que sur la forme, mais non pas sur le fond. Khomiakov (1804-1860), théologien russe, qualifia Hus d’immortel : la mort ne put le retenir tellement sa foi chrétienne a été authentique et vivante. En conséquence, la Réforme relevait pour certains d’un véritable malentendu. Dès lors, les slavophiles conservateurs souhaitèrent la canonisation de Jean Hus et de Jérôme de Prague. Aujourd’hui saint Jean Hus et saint Jérôme de Prague sont officiellement vénérés dans un certain nombre d’Églises orthodoxes, et comme pour les Utraquistes d’autrefois, le 6 juillet est désormais le jour de commémoration de saint Jean Hus dans l’Église orthodoxe des terres Tchèques et de Slovaquie. L’iconologie orthodoxe a repris les représentations du XVe siècle de Jean Hus, dépeint à la fois comme prêtre, prêcheur évangélique et réformateur.

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