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La voie de Théodore Monod

 

La route reste longue et risquée pour pacifier les relations de l’espèce humaine à son biotope. Théodore Monod, plus connu comme explorateur des déserts que comme ichthyologue, sa spécialité, a dédié sa vie à la connaissance de la nature. Il était, disait-on alors, « naturaliste ». Le rapport de l’homme au monde qui l’entoure aura été le questionnement de ses recherches scientifiques et le devenir de l’espèce, l’interrogation principale de ses réflexions. Une succession de moments repérables illustre l’évolution des mentalités face aux enjeux planétaires de la défense des environnements : observer, protéger, conserver, sauvegarder, alerter, témoigner. Quand en 1854 est fondée la Société Nationale de Protection de la Nature, les visions politiques et romantiques masquent encore l’observation des milieux naturels. Puis la protection de la nature s’impose à l’exploration rationnelle de ses ressources et au perfectionnement des moyens d’exploitation.

La création en 1948 de l’Union Internationale pour la conservation de la Nature mondialise cette approche et promeut en 1969 la notion de Parc National. Mais les situations restent singulières et les solutions discutables. Il ne peut en être autrement. En 1962 Théodore Monod écrivait : « à partir d’un certain degré de puissance l’homme n’est plus une des parties prenantes de la chaîne écologique. Il va sauter en dehors du dispositif naturel auquel hier encore il appartenait et auquel le maintenait lié un pacte magico-rituel. Il va pouvoir dès lors intervenir de l’extérieur, dans le sens que l’on devine, libéré de tout scrupule et avec des moyens matériels sans cesse perfectionnés… »

Vers les années 1970, l’écologie scientifique et l’écologie militante globalisent la question environnementale et tentent d’organiser la sauvegarde de la planète. Avec la conférence de Rio en juin 1992, l’urgence s’installe dans la recherche de solutions à l’exploitation sauvage des ressources naturelles aux effets climatologiques. La liste rouge des espèces disparues ou en voie de disparition s’allonge en centaines de milliers de candidats : plantes, oiseaux, reptiles, etc. Il n’est plus impossible que l’homme, parmi d’autres mammifères, rejoigne l’hécatombe. Au-delà des étapes que nous avons évoquées sur la longue route de la prise de conscience, demeure toujours la force du témoignage personnel. Théodore Monod partageait comme un viatique la révélation qui s’imposa à Albert Schweitzer devant un troupeau d’hippopotames sur le fleuve Ogooumé, sans trop d’illusion : « La niaiserie la mieux intentionnée et parfois, hélas, la plus pieuse, ne pourra jamais nous cacher la réalité : le “tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles” est désormais inscrit, en lettres de sang au portail d’un abattoir et d’un charnier ; nos ancêtres préhistoriques ne vivaient guère, au moins jusqu’à l’apparition de l’agriculture, que du massacre des autres bêtes, traqués et assassinés sans merci. Primum vivere…bien sûr : la pitié peut attendre. Sans doute, et les temps messianiques de l’universelle réconciliation sont aussi pour demain ».

L’année de sa mort, en 2000, la réédition de son livre Sortie de secours prend pour titre Et si l’aventure humaine devait échouer. Aujourd’hui, Théodore Monod écrirait-il encore : « L’homme vient, l’homme sera, il est à venir. Long est le chemin, et l’aventure, et comme l’Ancien Testament, le nombre d’années ne compte guère ; l’essentiel est la voie ». Sans issue ? Notre siècle saura-t-il répondre ?

 

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À propos Ambroise Monod

a été pasteur, journaliste, artiste. Depuis 1968 il partage l’art de la créativité dans une démarche appelée Récup’Art.

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