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Des femmes qui ne prouvent rien, mais qui font sens

 

Le plus ancien témoignage biblique de Pâques ne fait pas mention du tombeau vide ni des femmes qui s’y sont rendues selon les évangiles. C’est ce que rappelait Andreas Dettwiler, professeur de Nouveau Testament à la faculté autonome de théologie protestante de Genève, dans un entretien donné à La Tribune de Genève le 19 avril 2019. De fait, la première épître de Paul aux Corinthiens au chapitre 15 ignore l’épisode du tombeau vide et raconte une succession d’apparitions à Céphas puis à une série de groupes de plus en plus nombreux et, enfin, à Paul lui-même. Or les lettres de Paul écrites à partir des années 50 sont des textes plus anciens que les évangiles qui ont été écrits à partir des années 70.

Cet écart entre deux versions bibliques n’a rien d’étonnant. Les lecteurs de la Bible sont habitués à voir un même épisode raconté différemment. C’est vrai en particulier de la vie de Jésus qui n’est pas tout à fait la même d’un évangile à l’autre. Cela indique que les rédacteurs ne se sont pas entendus pour écrire une version unique comme le feraient des malfaiteurs qui voudraient tromper leur monde lors d’une enquête de police. Si tous les récits étaient absolument semblables, il y aurait lieu de soupçonner une mauvaise intention des auteurs bibliques.

Pour en revenir à l’épisode de Pâques, la présence des femmes manifestement ajoutée après coup par les évangélistes n’est pas un fait repéré récemment. Cela n’avait pas échappé à Jean Calvin. Pierre-Olivier Léchot, professeur d’Histoire moderne à la faculté de théologie protestante de Paris, nous montre quel usage le réformateur fit de la mention des femmes au tombeau. Les contributions de Dettwiler et de Léchot nous évitent de tomber dans le piège tendu par notre désir de faire de la Bible le récit exact de ce qui s’est passé. Les évangiles sont des prédications destinées à susciter la foi chez le lecteur, à le faire adhérer à une vision de la vie libérée de la fascination pour ce qui est morbide, et libérée de la peur causée par la mort. Les textes bibliques ne sont pas des preuves matérielles de quoi que ce soit. La description du tombeau vide et la présence des femmes ne sont pas destinées à nous faire voir ce que nous n’avons pas pu observer faute d’avoir été présents. Ces points du récit sont autant d’éléments qui ont été employés par les rédacteurs pour partager ce que des croyants ont vécu, compris, quand ils ont fait l’expérience du divin, quand ils ont éprouvé ce qui rend notre vie véritablement humaine.

Cela nous rappelle que l’approche historique et critique est particulièrement précieuse pour ne pas faire dire aux textes ce qu’ils ne disent pas, pour ne pas en faire des récits factuels alors que ce sont des relectures théologiques. Cela nous rappelle que nous avons aussi la responsabilité d’interpréter ces textes pour qu’ils continuent à offrir du sens aujourd’hui

À lire  les articles de Andreas Dettwiller  » La présence des femmes au tombeau, un bon argument?  » et de Pierre-Olivier Léchot   » Calvin et les femmes au tombeau Humilité et promesse de la prédication « 

 

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À propos James Woody

Pasteur de l'Église protestante unie de France à Montpellier et président d'Évangile et liberté, l'Association protestante libérale.

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