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L’Église universelle et l’église locale

 

Nous proposons sous ce titre des extraits du commentaire de Zwingli au huitième article de la dispute de Zurich de 1523. La traduction est de Bernard Reymond.

Depuis les temps anciens jusqu’à notre temps actuel on a débattu sur ce qu’est et de qui est l’Église. […] Je ne veux pas proposer à cet égard ma parole, mais celle de Dieu, ni un enseignement humain, mais la pensée de l’Esprit de Dieu. […] [Les mots] « communion » et « communauté » sont utilisés dans l’Écriture dans deux sens fort semblables.

Premièrement : pour toute la communauté de ceux qui sont édifiés et fondés dans la foi au Seigneur Jésus-Christ. […] Question : où est l’Église ? Réponse : répandue sur toute la terre. Qui est-elle ? Tous les croyants. Si elle est une assemblée, où se rassemble-t-elle ? Réponse : elle se rassemble ici par l’Esprit de Dieu dans une même espérance et là-bas auprès du Dieu unique. Qui la connaît ? Dieu. Mais les évêques qui tiennent habituellement des conciles sont-ils aussi la même Église ? Réponse : ils sont seulement des membres de l’Église comme tout autre chrétien, pour autant qu’ils reconnaissent Christ comme leur capitaine. Si tu dis : mais ils sont l’ecclesia repraesentativa, je réponds : de celle-là, l’Écriture sainte ne sait rien. […]

Deuxièmement : le mot église est utilisé pour désigner les diverses assemblées que nous appelons paroisses ou communautés locales. Ce sont des rassemblements ou communautés d’une grandeur telle qu’ils peuvent se réunir commodément pour entendre et apprendre ensemble la Parole de Dieu ; on les appelle encore aujourd’hui en beaucoup d’endroits paroisses, d’après le mot grec parecia, ce qui désigne un habitat proche ou voisin ; car s’y rassemblent les habitants d’une région dont l’importance convient à cet usage. Christ parle de la communauté ou église en Matthieu 18, 16-17 : « Si quelqu’un ne change pas d’avis devant deux ou trois témoins, dis-le à l’église », c’est-à-dire à la paroisse, non à l’Église universelle. Car qui pourrait communiquer oralement à toute la communauté qui croit en Christ et n’est réunie que par l’Esprit une information à propos de quelqu’un qu’on voudrait exclure ? Paul appelle donc les paroisses ecclesias, c’est-à-dire communautés, en 1 Corinthiens 1, 2 : « À la communauté qui est à Corinthe. » […] Il est certain qu’ici “église” est pris pour paroisse ou communauté, car il n’y a rien de plus qu’une église ou communauté à laquelle ce nom convient prioritairement et expressément, elle qui est l’épouse du Christ et ceux qui portent son nom ne sont membres de l’Église universelle que s’ils forment ensemble une Église. […]

Nous disons : « Je crois la sainte Église chrétienne » ; mais les deux mots grecs ecclesia catholica devraient à proprement parler être traduits en allemand par « Je crois l’assemblée universelle ». Mais comme on ne pense à rien d’autre qu’à l’Église de Christ, c’est-à-dire tous les humains chrétiens réunis par l’Esprit de Dieu en une même foi, en allemand on a utilisé les deux adjectifs : la sainte Église chrétienne, et ce n’est pas un mal même si ni les Latins ni les Grecs ne le disent dans leur langue.

Mais ceux qui s’efforcent de tout attirer à eux ont trouvé dans ces mots une astuce pour se faire passer eux-mêmes pour l’Église chrétienne et, tirant parti de cette expression, Rome a maintenant voulu être appelée depuis longtemps l’Église chrétienne universelle. Les théologiens ignares ont laissé passer cela si régulièrement qu’aujourd’hui encore, si tu demandes : « Qu’est-ce que l’ecclesia catholica, l’Église chrétienne, en laquelle nous croyons ? », ils répondent : « Ecclesia catholica signifie en allemand l’Église chrétienne, et c’est l’Église romaine. » Et si tu leur demandes : « Est-ce que catholicon signifie romain ? », ils disent : « Oui. » Mais ils ne savent pas ce que signifie le mot catholicon, s’il s’agit d’un chou ou d’un marteau. […]

Afin que soit exprimé en termes clairs ce que signifie ecclesia catholica et que chacun le sache, on a ajouté « communion des saints ». […] « Communion des saints » ne signifie […] rien d’autre ici que communion des croyants ou chrétiens pieux. […] La signification de cet article dans la [confession de] foi est donc : Je crois que la sainte Église universelle ou chrétienne est une épouse légitime de Dieu. Mais l’Église universelle est la communauté de tous les chrétiens pieux et croyants. Par conséquent les assemblées de personnes particulières ou d’évêques, même tous si ces prétendus évêques se rassemblent, ne sont pas l’Église en laquelle et en vertu de laquelle nous croyons ; car dans celle-ci se retrouvent tous les chrétiens pieux qui ne seront rassemblés auprès de Dieu qu’après ce temps-ci ; mais aussi longtemps qu’elle est ici, [l’Église] vit seulement dans l’espérance et ne se rassemble jamais visiblement ; mais à la lumière de l’Esprit divin et de la foi, elle est néanmoins toujours rassemblée ; mais cela n’est pas visible. […]

Maintenant chacun peut déterminer s’il est ou non dans l’Église. S’il a notamment toute son assurance, son espérance et sa consolation en Dieu par le Christ Jésus, il est dans l’Église, c’est-à-dire dans la communion de tous les chrétiens pieux. Car s’il a la seule et claire foi en Christ, il a l’Esprit de Dieu ; ce dernier est indivisible et personne ne peut avoir deux sortes de foi en un seul Esprit. Parce que tous les vrais croyants sont dans un seul Esprit, ils doivent aussi mettre une seule foi et une seule espérance dans le seul bien que l’Esprit leur enseigne.

Inversement, ceux qui mettent leur espérance dans les créatures ne sont pas dans l’Église ou dans la cohorte des chrétiens pieux ; car ils n’ont pas, comme dit plus haut, la seule chose qui vient du seul Esprit de Dieu […], mais ils se confient à des hommes idiots, égarés, corrompus. Si tu leur demandes alors en qui ils croient le plus et pourquoi ils pensent devenir bienheureux, ils disent qu’ils ont accordé la plus grande foi aux saints Pères et deviendront bienheureux s’ils restent dans la sainte Église romaine. Et leur réponse loufoque montre qu’il en est bien ainsi. Si on leur dit : « N’attribues-tu pas davantage [d’importance] à la Parole de Dieu qu’aux Pères de l’Église ? », ils disent qu’ils ne pourraient pas suivre la Parole de Dieu sans les Pères ; en effet, ils ne seraient autorisés à la comprendre que selon le sens des Pères qui eux-mêmes devraient garantir la Parole de Dieu. […] Si tout notre savoir dépend de la Parole de Dieu, qu’a-t-on besoin d’accorder aux Pères ou aux conciles ce qui relève seulement de Dieu ? […]

Si l’Esprit de Dieu est chez vous, on le repère d’abord à ce que, si vous laissez sa Parole être votre guide et ne faites que ce qui est clairement exprimé dans la Parole de Dieu ; si donc l’Écriture est votre guide et si vous n’êtes pas les maîtres de l’Écriture, alors l’Esprit de Dieu est auprès de vous. D’autre part, si vos décisions et décrets laissent transparaître votre humilité et votre modestie, le renoncement aux traditions humaines erronées et la valorisation de la Parole et de la gloire de Dieu, alors on peut de nouveau reconnaître que cela vient de Dieu. Si néanmoins vous prenez vos têtes et vos visages comme règle de conduite et ne cherchez qu’à éviter l’opposition contre vous et à préserver de la ruine vos honneurs, vos noms, vos titres, votre richesse et votre faste, alors vous avez l’esprit qui fit se précipiter dans la mer des porcs des Géraséniens.

Je crois volontiers que vous êtes une ecclesia repraesentativa. Mais montrez-moi d’où vous tenez le nom en vertu duquel il vous serait permis ou ordonné de comploter et d’édicter des décrets qui ne sont pas conformes à la Parole de Dieu, d’en charger les épaules des hommes afin d’accabler leur conscience, et de dire que le bien serait mauvais et le mal bon. Ou bien, qui vous a ordonné de compter aux hommes comme péché ce que Dieu ne considère pas comme péché et n’a pas non plus interdit ? Oui, je crois volontiers que vous êtes l’ecclesia repraesentativa, c’est-à-dire l’Église mise en scène et imitée, mais non la réelle fiancée et épouse de Christ.

Je ne veux parler ici que des prélats faux, cupides, orgueilleux, dissolus. Ne prends pas cela pour toi, homme pieux ! Ceux qui se placent sous l’Écriture et non au-dessus d’elle sont sur le droit chemin. […] Il faut remarquer à cet égard que Christ, comme indiqué plus haut, est la tête de l’Église, et qu’il en a été donné à cette occasion un témoignage suffisant tiré de l’Écriture ; mais que l’évêque ou pape de Rome soit la même tête universelle, on n’a pour cela réellement rien de scripturaire. […] On devrait clouer au pilori les grelots de ces tyrans qui ne se nomment pas seulement eux-mêmes princes des prêtres ou grands prêtres, mais se font aussi passer pour les rois, les empereurs et les seigneurs des corps et des biens de toute la chrétienté ; et cela bien qu’il ait été particulièrement dit par l’évêque romain qu’il ne doit pas être appelé évêque universel. C’est pourquoi tous ceux qui mettent leur confiance dans l’Église de Rome ne sont pas dans la communauté des chrétiens pieux, car eux mettent leur confiance en Dieu.

À lire les articles de : Pierre-Olivier Léchot  » Zwingli : oser la liberté «   et de  Bernard Reymond  » Il y a 500 ans, Huldrych Zwingli « 

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