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La Réforme et le mariage des prêtres

 

À la fin de l’an dernier, plusieurs associations catholiques de Suisse alémanique ont demandé au Vatican de renoncer à imposer le vœu de célibat aux prêtres séculiers. De toute évidence, le pape actuel ne va pas donner à cette demande l’ombre d’une suite positive. Cette démarche vouée à l’échec est cependant l’occasion de rappeler ce qu’il en fut, dans ce domaine, au moment de la Réforme.

La principale revendication des prêtres acquis à l’exigence réformatrice ne fut pas tant le droit de vivre en concubinage que celui de se marier. À la fin du Moyen Âge, le concubinage des prêtres séculiers était largement admis, sinon dans les textes du moins dans les faits. Les papes eux-mêmes bénéficiaient de cette tolérance. Curé à Zurich, Ulrich Zwingli ne demandait donc pas de pouvoir vivre avec une femme mais de pouvoir l’épouser en bonne et due forme, de telle sorte qu’elle puisse bénéficier de tout le respect dû à une épouse légitime. Ce qui lui fut aisément accordé dès le moment où la Réforme de l’Église entra dans les faits.

Heinrich Bullinger, son bras droit et successeur à la tête de l’Église de Zurich, prêtre lui aussi, était de surcroît fils de prêtre (comme par exemple Érasme, et beaucoup d’autres). Une fois acquis à la Réforme, il se mit en tête d’épouser Anna Adlischwyler qui venait de quitter un couvent de dominicaines. Liée par ses vœux de célibat et de chasteté, elle avait scrupule à les rompre. Bullinger lui écrivit alors une longue lettre pour lui expliquer que, si elle n’avait pas d’inclination pour lui, il le comprendrait et n’insisterait pas. Mais il n’admettait pas qu’elle se refuse à lui en raison de vœux dont rien ne justifiait l’existence. Anna Adlischwyler se rendit bien vite à ses arguments et le mariage put avoir lieu, comme d’ailleurs celui des parents mêmes d’Heinrich Bullinger, en tout bien tout honneur.

Les mariages de Zwingli et de Bullinger sont deux cas parmi des centaines, voire des milliers d’autres au moment de la Réforme. N’étant pas prêtres, Calvin, Farel, Viret ne font pas partie du nombre, mais les Strasbourgeois ne peuvent oublier ni les noms de Martin Bucer et Mathieu Zell ni ceux de leurs épouses.

Dans le périmètre de la chrétienté occidentale, qu’ils soient luthériens, réformés ou anglicans, les ménages pastoraux sont rapidement devenus et demeurent un phénomène de société particulièrement marquant : en Allemagne, dans les pays scandinaves, au Royaume-Uni, dans une partie de la Hongrie, dans les cantons protestants de Suisse et même en France, on ne compte plus les enfants de pasteurs qui se sont distingués dans les arts, les sciences, la littérature, la politique, l’économie, l’action sociale, la médecine, les relations internationales, l’enseignement, l’architecture, la musique, l’artisanat… et même le pastorat. Une contribution importante au devenir de l’Europe ! u B

 

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

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