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Les morts de la rue

 

Les rituels qui entourent la mort sont multiples. Les civilisations s’expriment à ces occasions et disent leurs désespoirs, leurs espérances, leurs croyances et la manière dont ils montrent ce qu’est la dignité de l’homme. Ainsi, sous l’Ancien Régime en France, comédiens et hérétiques étaient jetés à la décharge publique et plus près de nous les condamnés à mort guillotinés étaient mis en terre de manière anonyme au cimetière d’Ivry. Non seulement on ôtait la vie mais aussi on effaçait ces “indignes” de la mémoire de la société. Heureusement ces barbaries ont cessé… Et pourtant ! La mort et ses cérémonies, ses pompes, comme on disait jadis, montrent les inégalités sociales de nos sociétés. Clochards, indigents, isolés, exclus de toutes sortes sont seuls dans la vie, dans les rues, friches industrielles, squats ; ils meurent où ils vivent, comme cet homme retrouvé en partie dévoré par les rats au fond d’une usine désaffectée, ou ce SDF endormi sur un banc public, ou cette personne âgée décédée chez elle, mais enfin signalée quelques mois après sa mort ! Solitude quand tu nous tiens !

Tous ces morts finissent à l’Institut médico-légal. D’autres malheureux achèvent leurs jours à l’hôpital : la vie dans la rue est difficile et l’hygiène très défectueuse. Toutes sortes de maladies affectent les SDF. Sans compter les addictions graves. Alcoolisme en premier lieu et tabac, mais aussi drogues réputées plus sévères, comme la cocaïne ou les médicaments qui font l’objet d’un trafic important. Malnutrition, violence, overdoses, cancers, maladies cardiaques les guettent. Il faut ajouter les maladies mentales, 15 % de psychotiques par exemple. Plus dramatique est la mort des moins de 15 ans en augmentation et des bébés, en particulier, décédés quelques heures après leur naissance et abandonnés par leurs parents. Porter en terre un tout petit, sans personne autre que le personnel du cimetière est un choc qui est difficile à assumer. L’abandon de l’enfant mort montre une détresse humaine, spirituelle, culturelle, considérable et aussi un mauvais état de la santé de la mère.

On n’est pas étonné de constater que l’âge moyen des décès dans la rue est de 49 ans, contre une moyenne nationale de 80 ans… L’exclusion coûte 30 ans de vie ! On estime à encore 3 000, les gens qui meurent sans domicile.

Le Collectif des morts de la rue accompagne les défunts qui lui sont signalés. La Mairie de Paris prend en charge le matériel : cercueil et tombe individuelle à concession de 5 ans, temps après lequel les corps ne sont plus réclamés par les familles. Après une demi-décennie les restes sont incinérés. L’équipe du Collectif, composée de deux personnes, assiste à la fermeture du cercueil à l’Institut médico-légal le lundi ou dans une morgue d’hôpital, le mercredi. Quelques voisins ou parents peuvent être présents à ce moment-là, mais c’est très rare. On les accueille, on dit un mot au moment du départ, on présente le Collectif. À Thiais, a lieu l’enterrement. On dit un texte – souvent un poème – puis un mot qui prend en compte la personnalité du défunt. On met aussi des fleurs. Enfin, on fait un rapport décrivant la cérémonie au cas où la famille se signalerait.

Donner une dignité au défunt, c’est donner une dignité à l’humain, c’est aussi dénoncer l’injustice sociale. C’est aussi rassurer les SDF et les isolés qui savent qu’ils ne seront pas “enterrés comme des chiens”…

Le Collectif tient des registres et procède à des études de thanatologie. Le travail se fait en partenariat avec les maraudes, la Fondation de l’Armée du Salut, les Centres d’accueil et de soins hospitaliers, etc. Régulièrement, a lieu une cérémonie publique d’hommage rendu aux morts de l’année…

Bien sûr, l’Association est laïque puisque la religion des SDF est inconnue, mais nos Églises, jadis en charge des funérailles des pauvres devraient être plus attentives à cette question des morts de la rue et ce, d’autant plus que l’amour de Dieu – l’Agapé – est un amour qui s’adresse aussi aux morts comme l’indique le champ sémantique d’Agapé.

 

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À propos Vincens Hubac

est pasteur de l’Église protestante unie de France au Foyer de l’âme, à Paris. Il est engagé dans la diaconie et intéressé par le transhumanisme.

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