Lorsque Jésus enseigne à ses disciples de se retirer dans un lieu isolé pour prier (Matthieu 6,6), il les libère du regard des autres. Seul, à l’écart, il est possible de ne plus tenir un rôle social et d’être pleinement soi. Sans avoir besoin de jouer à la mère, au garçon de café, au pasteur, à la directrice, chacun est libre de prendre la parole. La prière devient alors un moyen de se laisser aller à parler, de commencer à retrouver le sens de sa vie, sans avoir honte de ce qu’elle est actuellement. Le face-à-face avec Dieu ne s’embarrasse pas des belles formules ni de la justesse théologique. De ce point de vue, le recueil des Psaumes est un formidable exemple de la prière menée en toute liberté : il est possible d’exprimer ses haines, ses peurs, ses espoirs un peu fous ou pas très convenables. Il est possible d’exprimer ce qui nous tient vraiment à cœur ou, au contraire, ce que nous redoutons terriblement. À partir de là, nous pouvons faire quelque chose de nos émotions et de notre désir qui remontent à la surface. Nous pouvons évangéliser nos sentiments, notre regard sur nous-mêmes et sur le monde, là encore, sans être soumis à la pression de la communauté dont nous sommes membres ou de notre famille.
Dans son étude sur la prière, Serge Soulié indique que Jésus a redonné aux personnes qu’il a rencontrées ce que la nature ne leur donnait plus. Il a ressuscité l’élan vital chez ceux qui en étaient privés. Il a, en quelque sorte, accompli l’œuvre créatrice de Dieu. C’est à cela que sert la prière : pouvoir se relier à l’œuvre créatrice, l’œuvre d’humanisation opérée par l’Éternel et dont Jésus a été l’incarnation même. Retrouver un sens à la vie, retrouver le sens de ce dynamisme créateur, c’est ce qu’accomplit celui qui prie. De ce point de vue, prier au nom de Jésus, pourra signifier que nous entendons faire de la prière le moyen par lequel nous pouvons, nous aussi, nous engager dans la vie comme le fit Jésus : retrouver les intuitions de Jésus qui laisse de côté une foi en une idole qui serait munie de pouvoirs surnaturels capables de satisfaire tous nos caprices ; s’ouvrir à l’amour inconditionnel qui est la nature même de Dieu comme le rappelle fort justement Serge Soulié.
La liberté qu’offre la prière consiste à pouvoir explorer la vie et, ultimement, nos images de Dieu : dis-moi comment tu pries et je te dirai quel est ton dieu, et ce qui, pour toi, a une importance décisive.
À lire l’article de Serge Soulié » Priez pour moi ! Prier qui et pourquoi ? «
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