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Élie Lauriol (1890-1982)

 

Libéral, quel beau mot ! J’entends encore Élie Lauriol s’exclamer en ces termes à la fin des années 1950. C’était de sa part à la fois un cri du cœur et une conviction solidement ancrée dans sa référence personnelle aux textes évangéliques. On n’aurait jamais eu l’idée de dire de lui qu’il était un « théologien » libéral au sens un peu scolastique de ce terme. En revanche, il était un prédicateur qui, indubitablement, parlait libéralement de Dieu. Lors d’un culte radiodiffusé, toujours dans les années 1950, il s’était distingué en citant cette parole du livre des Nombres (25,17) : « Dieu dit… tuez-les tous », et en ajoutant péremptoirement : « Eh bien, non, Dieu n’a jamais dit cela ! ». Ce fut pour lui l’occasion d’expliquer pourquoi, à son sens, le Dieu de Jésus-Christ ne pouvait justement pas avoir dit des choses pareilles et pourquoi, par conséquent, il fallait se garder de prendre toutes les paroles de la Bible à la lettre.

Natif d’Alès, Élie Lauriol avait commencé des études de lettres, avant de s’orienter vers la théologie. Pasteur à Vézenobres (Gard) de 1919 à 1931, puis à Nîmes dès 1931, il fut appelé en 1946 à l’Église réformée de l’Oratoire du Louvre, à Paris. Favorable à la réunification de l’Église réformée de France, en 1938, il fut membre de son Conseil national dès cette date et jusqu’en 1962. Il y représentait avec autorité à la fois la sensibilité libérale et les perspectives du christianisme social, deux options qui ont marqué tout son ministère. C’est surtout au sein de ce Conseil qu’il put prendre la mesure de l’hostilité dont le libéralisme en matière de foi était alors l’objet de la part de théologiens ou de pasteurs qui, justement, croyaient pouvoir prédire la prochaine disparition de ce courant au sein du protestantisme français.

Mais Élie Lauriol n’était pas pour autant homme à dresser des théologies les unes contre les autres. Il était libéral même envers la théologie dite libérale. « Quand Georges Marchal se trouvera devant le Père éternel », me dit-il un jour avec un large sourire en parlant de ce représentant pourtant insigne et apprécié du protestantisme libéral, « et qu’il s’entendra dire que toute sa théologie ne valait pas grand-chose, il sera bien ennuyé. Tandis que moi, si on me dit la même chose, je n’en serai pas du tout affligé ». Il n’en tenait toutefois pas moins à ce que soient reconnues et respectées les opinions de Marchal, si proches des siennes sur des points essentiels.

Élie Lauriol était avant tout prédicateur. Ses sermons étaient faits pour être entendus et non pas lus. Il avait en chaire une présence qui n’imposait pas sa personne, mais le message dont il se savait redevable aux personnes présentes dans toute leur diversité. Il ne leur dispensait pas une leçon de théologie, mais sa parole vive était justement de la théologie au meilleur sens de ce terme : une parole qui aide à vivre les heures sombres comme les heures claires, parce qu’elle est en prise directe sur l’existence de tout un chacun. En chaire, Élie Lauriol n’avait pas de notes : il ne lisait pas un texte à son auditoire, il lui parlait. Mais cette parole lui coûtait : affligé d’un bégaiement qui rendait d’ailleurs sa conversation d’autant plus savoureuse, il devait répéter à l’avance chaque phrase de ses sermons pour être capable, le moment venu, de la prononcer sans aucun bégaiement. Quelle leçon ! Ce pasteur de petite taille fut à n’en pas douter une grande voix du protestantisme libéral.

 

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

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