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Passer les frontières

 

304-09-3C’est le titre du dernier livre d’Olivier Weber qui m’a donné envie de le lire : Frontières. On sait l’actualité tragique de cette réalité avec ses passeurs et ses migrants, les iconoclastes de Daesh, par exemple. Je ne connaissais rien d’O. Weber. Je découvre qu’il est écrivain-voyageur, journaliste-reporter, qu’il a été correspondant de guerre pour la presse française et britannique, ambassadeur de France, qu’il a couvert une vingtaine de conflits. Du Caucase à l’Amérique du Sud, du Cambodge à l’Amazonie, de l’Érythrée à l’Afghanistan, de l’Irak à Tanger pour aboutir à Menton, nous sommes fascinés par des paysages, des portraits émouvants, des précisions méticuleuses d’ordre topologique et géographique, des réflexions concernant tous les gens des frontières et le problème infini de ces dernières : « La nécessité de franchir les frontières et la nécessité de les maintenir. » « Au commencement de toute civilisation existe une frontière. Au commencement de tout rêve existe la transgression de la ligne. » Tout cela s’inscrit dans la tradition passionnante des voyages littéraires, mais tout cela est le plus souvent tragique : « Les atlas modernes sont emplis de cartes invisibles, celles de l’épouvante. » Les pages sur Karachi (Pakistan) sont hallucinantes autant que sont émouvantes et empreintes de tendresse celles consacrées à Tanger (Maroc).

Des questions religieuses sont présentes ici et là, principalement avec le fondamentalisme islamique « qui dénature totalement la religion et la pervertit même ».

Les frontières temporelles ne sont pas ignorées ; l’auteur déclare au sujet d’un des personnages de l’ouvrage qu’il « a compris la beauté de l’instant, le charme du moment, comme si l’éternité devait se représenter dans le fragment ».

En lisant ces pages à la fois si précises et si inconcevables, je me suis rappelé que Paul Tillich, un de nos théologiens préférés du XXe siècle, disait que le mot de frontière était celui qui le définissait le mieux avec toute sa vie, sa pensée et son œuvre. Je me suis rappelé aussi un des meilleurs numéros de la revue passée du Christianisme social (Autres Temps, no 33-34 de 1992) et précisément intitulé La frontière, avec, entre autres, des articles d’Olivier Abel sur une éthique de la frontière, André Gounelle sur Tillich, Jean Lambert sur laïcité et religions sans frontières, Stanislas Breton sur la métaphysique de la limite, Alain Houziaux sur les limites de l’infini, moi-même sur la notion de limite dans l’oeuvre cinématographique de Buñuel.

 Olivier Weber, Frontières, Paris, Paulsen, 2016, 390 pages.

 

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À propos Laurent Gagnebin

docteur en théologie, a été pasteur de l'Église réformée de France, Paris ( Oratoire et Foyer de l'Âme ) Professeur à la Faculté protestante de théologie.Il a présidé l’Association Évangile et Liberte et a été directeur de la rédaction du mensuel Évangile et liberté pendant 10 ans. Auteur d'une vingtaine de livres.

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