Tant qu’un texte porteur d’enjeux collectifs importants, comme l’est un grand texte de croyance, demeure dans son milieu d’origine, il reste intelligible par rapport au milieu humain dont il émane. Mais les textes sacrés sont des textes voyageurs. Ils traversent les siècles, voire les millénaires. Ils deviennent alors ce que les hommes de chaque époque en font.
Une lecture qui se veut historique cherche à savoir ce que les hommes d’une époque ont pensé d’un texte sacré en leur temps, et en vertu des attentes et des enjeux collectifs qui étaient les leurs. Ce faisant, le lecteur historien ne cherche pas à s’approprier le texte pour lui-même ni à porter sur lui des jugements de valeur. Ce n’est pas le cas du lecteur ordinaire, ou du lecteur idéologue, qui va lire le texte en fonction de ce qu’il en attend et en fonction de ses préjugés.
C’est l’intention du lecteur qui fera du Coran un livre de paix ou un livre de guerre, en fonction des passages qu’il aura sélectionnés pour répondre à son préjugé initial. Livre de paix ou livre de guerre ? Le Coran n’a été ni l’un ni l’autre, et il a été l’un et l’autre. Il a été d’abord le porteur d’un projet qui a abouti à l’émergence d’une construction politique et idéologique initiale, celle d’une confédération de tribus réunies dans une même alliance, à la fois entre les hommes et avec une divinité protectrice. S’étant invitée inopinément dans le fracas de la grande Histoire, à la suite de conquêtes d’opportunité, cette confédération tribale de facture classique a donné naissance à la fois à une institution impériale – que le nom exotique de califat ne doit pas masquer – et à une religion nouvelle, en même temps qu’acculturée par les religions antérieures.
Aujourd’hui comme avant, le Coran sera ce que les hommes d’aujourd’hui feront de lui.
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