Françoise Chandernagor a inventé un genre littéraire : le « roman historique à la puissance deux » ! Non seulement elle place l’intrigue et les héros de ses récits au milieu de personnages et d’événements connus, mais elle adopte le style de l’époque… tout en demeurant agréablement lisible ! Ici, elle relate – en style évangélique ! – la vie de Jude, le petit frère de Jésus. En bonne romancière, elle donne chair à ce personnage peu connu : amoureux fou de la belle Tabitha (Ac 9,36-40), Jude est un juif pieux et mystique, un autodidacte qui sait manier le grec international de l’époque, et enfin le responsable d’une communauté judéo-chrétienne.
Françoise Chandernagor pousse le goût du pastiche jusqu’à présenter son roman biblique avec des notes de bas de page explicitant les allusions ou références, et elle intercale des précisions hors texte pour décrire les altérations qu’aurait subies le manuscrit ! Cependant, si ce livre est un bon roman, c’est aussi un vrai travail d’historienne qui repose sur une très solide documentation et une bonne connaissance des langues bibliques. Dans une passionnante postface, elle explicite sa méthode de travail et ses sources… et s’efforce de faire admettre à ses lecteurs catholiques que les frères et sœurs de Jésus étaient bel et bien ses frères et sœurs biologiques !
On ne peut qu’admirer la manière dont l’écrivaine fait de son savoir exégétique une matière romanesque… et stylistique. Comme les évangiles, elle met en scène les paroles de Jésus en les insérant dans un récit et en leur faisant décrypter le vécu des premiers disciples.
L’intérêt de cette œuvre de fiction est aussi de décaler le point de vue du lecteur du Nouveau Testament : de l’inciter à porter un regard neuf sur les relations entre pagano-chrétiens et judéo-chrétiens, ces derniers n’apparaissant pas comme des intégristes bornés, selon ce que laissent entendre les écrits de Paul et de ses disciples ! Et en retour, le roman nous fait voir Paul avec le regard des judéo-chrétiens : autocratique, imbu de lui-même, trop « personnel » dans ses initiatives pastorales (ce qui, du reste, apparaît à une lecture tant soit peu critique des épîtres).
Bref, un vrai roman fort agréable à lire, mais qui aussi donne à penser, voire à prier.
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ça fait partie de la collection de livre à lire cet été…