nous devons revendiquer le droit à la pensée, à la liberté de croire et de ne pas croire, à l’exercice de nos esprits critiques. Les lecteurs des évangiles le savent : le christianisme est né d’un homme, Jésus, dont la grande caractéristique fut d’avoir été accusé de blasphème. C’est le seul « fondateur » d’une religion à l’avoir été. Il en est mort. Son combat pour la liberté, son insoumission aux puissants, aux bienpensants et aux donneurs de leçons, fut inaudible à ceux qui l’ont cloué sur la croix. Une distance sépare toujours Dieu, la réalité ultime elle-même, et nos manières de nous y référer, de le penser, de le croire, de le confesser, de le critiquer. Les évangiles sont précisément nés de cette distance qui permet l’interprétation, la critique, l’imagination, la créativité. Or c’est dans cette distance que les dessinateurs de Charlie ont exercé leur talent. Si joyeusement irresponsable ! Et c’est précisément au maintien de cette distance qu’œuvre la critique, au sein des religions, pour protéger du risque qui toujours les menace, celui du fanatisme. On a pu s’étonner que les assassins du 7 janvier ne s’en soient pas pris aux islamophobes et à leur pensée nauséabonde et si lucrative. On le sait désormais : les uns sont nécessaires aux autres. En cultivant la peur de l’islam, ils arment les islamistes qui font vendre ceux qui, en échange, ravivent la peur. En revanche, en brisant à jamais les crayons de quelques joyeux drilles pour qui, à juste titre, rien n’est sacré, les fanatiques nient la liberté. Ils imposent un modèle religieux sans humour. Triste à en pleurer. Sans vie, figé, tyrannique. Il nous faut, nous aussi, faire du Charlie Hebdo, et rappeler que Dieu seul est Dieu et que toutes nos paroles sur Dieu, pour y croire ou pour le nier, ne sont que des tentatives de vérité, des interprétations balbutiantes, des caricatures.
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