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Un silence trop prudent et finalement destructeur

Quand Dieu nous invite à un festin, croyons-nous réellement que nous sommes attendus tels que nous sommes, que cette invitation est gratuite, en amitié et en joie, que nous sommes tous conviés ?

C’est une histoire de royaume, d’un roi, des noces de son fils et de ses invités. Visiblement, participer à la noce de ce fils importe peu aux convives. Pourtant il semble que beaucoup soient invités. Le roi a des serviteurs et leur ordonne d’appeler les invités par deux fois. Il ne se lasse pas et leur fait dire : « Venez, tout est prêt. » Le repas, la joie vous sont offerts. Les appelés écoutent, entendent, mais leur propre vie les intéresse bien plus que ce temps de noces du fils du roi. Croient-ils vraiment à cette invitation ? Il en est même qui vont au-delà du désintérêt et font disparaître en les tuant les porte-parole du roi. Ainsi manifestent-ils de la haine, la volonté de tuer, de mépriser. Comme s’ils ressentaient une obligation, une entrave à leur liberté dans cette invitation. Il est vrai que l’invitation est dite à l’impératif et non pas au conditionnel : accepteriez-vous de nous rejoindre ?

  En tuant celui qui parle en a-t-on réellement fini avec son message ? Tuer une parole c’est couper un pont ; couper ce qui nous relie à ce qui nous donne la vie. L’enfant qui naît est relié à sa mère par un cordon de vie : sans lui, il n’existerait pas. Déjà il ne peut être que par la rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde ; ensuite, il ne peut vivre que par la nourriture apportée par ce cordon. Cette image préfigure la vie possible pour chacun de nous. Et cette vie est promise en ce jour de noce du fils. Rencontre et échange de paroles, liens créés par des mots, des regards, des caresses, apprentissage de nos êtres irrémédiablement étranges, étrangers et inconnus les uns pour les autres mais cependant si dépendants les uns des autres. Le fils, en ses noces, est là pour donner la vie.

  Le roi, en colère, répond à la mort par la mort, plus encore par le feu, la destruction du lieu de mémoire qu’était la ville des meurtriers. En cette parabole, avec ce roi, Jésus nous parle-t-il de Dieu, du Dieu amour que prêche le christianisme ? Ou bien nous apprend-il encore une fois que la violence ne fait qu’engendrer la violence, n’aboutit jamais à une quelconque forme de vie ?

  Le roi désire tellement partager la joie de la fête qu’il élargit ses invitations : ses hôtes ne seront pas triés sur le volet. Ressent-il qu’il s’était trompé en en sélectionnant certains plutôt que d’autres ? Qu’ils soient bons ou mauvais, de quelque chemin qu’ils viennent – ceux qui sont « au carrefour », indécis peut-être quant à la route à suivre – sont dignes de venir se réjouir avec le fils en ses noces.

  Le roi peut être heureux, des convives en habit de noce vivent ce temps de bonheur mais il remarque un homme sans habit de circonstance et le rejoint. Il lui parle : mon ami, lui dit-il et l’interroge : tu partages la noce sans être revêtu de l’habit, comment es-tu arrivé là ? Cet homme est présent : a-t-il été intrigué par cette noce à laquelle il n’était pas invité et a-t-il eu le désir d’en percevoir l’allégresse ? Au contraire est-il là sans participer à cette joie, sans y croire et incapable d’entrer dans l’amour contenu dans ce « mon ami » ? Il pourrait expliquer au roi cette soif de vivre avec les autres ce temps de bonheur, ou bien pleurer cette difficulté à accueillir l’amour offert, il pourrait parler, dire… j’imagine que le roi aurait envoyé un serviteur lui chercher un vêtement de noce ! Mais il choisit de nouveau la peur, le manque de confiance, le rejet de l’autre par le silence. Ce silence qui refuse tout net l’échange le renvoie dans les ténèbres de la solitude, du lieu où l’on ne peut se nourrir des dons et partages avec autrui, du lieu où l’on s’autonourrit, où l’on vit en vase clos avec soimême, où l’on critique, juge et méprise. Impossible de grandir en de telles conditions ! Le festin auquel Dieu invite ne demande à chacun que d’être prêt à le rencontrer, dans la joie, l’étonnement d’être là mais l’amitié rendue à Celui qui dit : « Mon ami, venez, tout est prêt. »

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À propos Florence Couprie

est pasteure retraitée de l’Église protestante unie de France.

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