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Ferdinand Buisson (1841-1932)

Vincent Peillon, professeur de philosophie, député européen, membre dirigeant du parti socialiste, a récemment publié un ouvrage sur Ferdinand Buisson, protestant libéral, grand artisan de la laïcité. André Gounelle nous parle de ce livre.

  Évangile et liberté a plusieurs fois parlé de Ferdinand Buisson : en mai 2005, (à propos du livre de P. Cabanel Le Dieu de la République) ; en décembre 2005 (interview de P. Kahn) ; en août 2008 en présentant son débat avec Charles Wagner dans Libre-pensée et protestantisme libéral. Voici que Vincent Peillon, homme politique connu, et aussi agrégé de philosophie comme l’était Buisson, consacre un livre intelligent et solide à sa pensée.  

  Bien que peu connu, malgré toutes les écoles qui portent son nom, Buisson a exercé une influence considérable. Jeune professeur, par conviction républicaine, il refuse de prêter serment au Second Empire et s’exile en Suisse jusqu’en 1870. Il dirige l’enseignement primaire au moment où la Troisième République le met en place. Il est le principal collaborateur et conseiller de Jules Ferry dans le domaine scolaire. Par ses écrits et son action, il fait partie des grands artisans de la laïcité et a contribué à définir l’identité républicaine, bien qu’on n’en ait pas conservé la dimension spirituelle qu’il jugeait fondamentale. Élu député en 1902, il préside la commission parlementaire dont le travail aboutit à la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Pacifiste, partisan après 1918 d’un rapprochement entre la France et l’Allemagne de Weimar, il reçoit en 1927 le Prix Nobel de la Paix.  

  Buisson est un protestant libéral affirmé et militant. Il défend le pasteur libéral Athanase Coquerel fils quand le consistoire réformé de Paris, à majorité orthodoxe, n’en renouvelle pas le mandat. Lors de son exil, il tente de créer une Église libérale dans le canton de Neuchâtel. Il soutient en 1891 une thèse de doctorat, qui 120 ans après sa publication fait toujours autorité, sur Sébastien Castellion ; le sous titre en est : « Étude sur les origines du protestantisme libéral français ». Au fil des années, il se rapproche de la libre-pensée, jusqu’à devenir président en 1904 de l’ « Association nationale des libres penseurs de France », mais sans jamais renier le protestantisme libéral qu’il estime compatible voire convergent avec une libre pensée spiritualiste. S’il n’apprécie guère le matérialisme de certains libres penseurs, il se méfie encore plus du cléricalisme catholique et du protestantisme orthodoxe.

  V. Peillon centre son étude sur la conception de la laïcité que développe Buisson : une laïcité fortement anticléricale, mais nullement antireligieuse. D’un côté, Buisson pense que le protestantisme, s’il va au bout de sa démarche en rejetant l’orthodoxie qui le dénature, propose une religion laïque, ouverte à l’action sociale et politique. De l’autre, il travaille à édifier une laïcité religieuse. Il veut que l’école publique favorise une éthique responsable et suscite une spiritualité libre. Il souhaite pour la République une religion ou une « foi laïque » susceptible de s’accorder avec le véritable christianisme, celui que défend le libéralisme et qui se fonde sur la prédication de Jésus. Dans les deux cas, il y a la conviction que « l’homme est à faire » et la volonté agissante de le rendre libre, digne, vraiment humain.

  En dépit de quelques approximations, Peillon met bien en valeur l’enracinement de Buisson dans le protestantisme libéral ; il a su déceler et exprimer la dimension religieuse qui imprègne la pensée et l’action de Buisson. Son livre a aussi le mérite d’esquisser une histoire de la philosophie républicaine (une philosophie de qualité, trop méconnue) et de sa réflexion sur la religion au dix-neuvième siècle.

  • Vincent Peillon, Une religion pour la République. La foi laïque de Ferdinand Buisson. Seuil, 2010, 19 €. Bibliolife vient de publier (commande par internet sur « Amazon ») une reproduction photographique de la thèse de Buisson sur Castellion pour 35 €. Signalons qu’il s’agit seulement du premier tome (440 pages sur 778), ce que n’indiquent ni l’annonce d’Amazon ni la couverture de cette reproduction.

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À propos André Gounelle

est pasteur, professeur honoraire de l’Institut Protestant de Théologie (Montpellier), auteur de nombreux livres, collaborateur depuis 50 ans d’Évangile et liberté.

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