Le Mas Soubeyran, dimanche 4 juin après-midi. Nous sommes à une centaine de jours de l’Assemblée annuelle, et à une centaine de mètres de la chaire, face à la bergerie devant laquelle va être dévoilé le bas-relief de bronze offert au Musée du Désert. Les participants, nombreux, se sont installés très tôt à grand renfort de pliants, derrière d’imposants officiels. Dans les branchages des vieux châtaigniers, le soleil joue à cache-cache, tandis que l’atmosphère est doucement orageuse.
La réussite de cet après-midi
Le contenu proposé autant que l’organisation, tout concourt à la réussite de cet après-midi de fête et de mémoire. L’illustration musicale (un ensemble instrumental, puis une chanteuse) frappe l’auditoire par une nostalgie vibrante mêlée de virtuosité. Le « patron » des lieux pose clairement le cadre des interventions qui vont se succéder au micro, dûment minutées et centrées sur la solidarité de nombreux protestants – surtout en Cévennes – avec les juifs persécutés à l’époque de la Seconde Guerre mondiale : l’historien du protestantisme, avec chaleur et sobriété, décrypte pour nous la « belle énigme » et dégage les enseignements de cette période troublée ; la sculptrice hollandaise, retraçant la genèse de son œuvre, nous donne à voir une scène tragique : un sonneur de shofar, une église aux fenêtres fermées devant des déportés ; le Grand Rabbin de France revient sur la reconnaissance de sa communauté, sans ménager son humour décapant, esquissant même un numéro avec l’ancien président de la Fédération Protestante de France, chargé de la conclusion !
Pourtant un malaise diffus
Mais alors pourquoi ce malaise diffus, qui va s’accentuer au cours de la rencontre ? Bien sûr, nous protestants, sommes unanimes à célébrer notre proximité avec un peuple opprimé, et tout particulièrement dans l’horreur nazie ; nous reconnaissons par ailleurs qu’il a pu et qu’il pourrait y avoir encore des manquements coupables, des compromissions, alimentés par des préjugés tenaces. Mais on peut légitimement se sentir gêné quand une partie de l’assistance, de sensibilité évangélique – comme l’un des orateurs, ancien président du Conseil National des Évangéliques de France – exprime volontiers son approbation à certains propos à résonance politique autant que théologique : soutien inconditionnel à Israël, appui à la « Jérusalem éternelle » ; au total, un rêve de théocratie qu’on ne saurait partager. Et en creux, le refus de voir la détresse profonde de tel peuple…
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