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Le reniement de Pierre Mt 26,31-35 ; 69-75

« Comment les premiers chrétiens ont-ils pu bâtir leur église sur quelqu’un qui avait renié Jésus ? » Comment Jésus a-t-il pu accorder sa confiance à quelqu’un dont il savait pertinemment qu’il allait le renier ? Car, dès le départ, Pierre est sollicité comme fondement de ce qui doit venir : « Eh bien, moi, je te le déclare, tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église. La mort elle-même ne pourra rien contre elle. Je te donnerai les clés du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux ; ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt 16)
Mais Pierre renie Jésus alors même qu’il est interrogé par le Conseil suprême. Je ne connais pas cet homme, je le jure… trois fois.
Pierre a sans doute peur d’y passer aussi. Pierre est terrifié. Il ne veut pas mourir.
Qui voudrait souffrir de la même mort que Jésus ?
On a beau le chanter dans nos pieux cantiques, « jusqu’à la mort nous te serons fidèles… », quand on tombe sur un os, la lâcheté prend la place. C’est humain ! C’est presque inévitable, à moins d’être fou… ou kamikaze. Le reniement de Pierre, dans ce contexte, est plutôt rassurant quelque part. La solidarité peut avoir des limites lorsqu’elle touche à la question de notre propre finitude.
La première question qui s’offre à moi quand je lis ce récit c’est : « mais où sont passés les autres ? ». Sans doute terrés quelque part derrière une porte, terrifiés à l’idée de se faire attraper aussi. Au moins Pierre brave-t-il cette peur. Il est là. Il suit de loin. Il ne pourra pas faire grand-chose, mais il est là. Seul son reniement trahit sa peur. Il se cache derrière des mots, mais n’empêche qu’il est là.
Et ça, c’est tout Pierre si j’ose dire.
Pierre, c’est le personnage tout feu tout flamme des évangiles.
• Il est le seul à marcher sur l’eau avec Jésus. Certes, il a coulé. Mais au moins il a essayé.
• Il est le seul à répondre et à affirmer que Jésus est le Christ, quand bien même Jésus le rabroue en le traitant de Satan…
• C’est lui qui dans le jardin de Gethsémané va s’emparer de l’épée d’un soldat pour lui couper l’oreille.
Pierre est « à fond », comme on dit. Tout, dans ses actes et ses paroles, est poussé à l’extrême. Et s’il est capable du meilleur il est forcément capable du pire, comme tout un chacun.
Mais alors, si Pierre est à ce point imperfectible, comment Jésus a-t-il pu imaginer lui confier le devenir de l’église ? Oui, la question revient, inlassablement.
On s’imagine qu’il existe des gens parfaits à qui on peut confier des tâches spéciales…
Et on s’était mis dans la tête que Pierre et tous les autres devaient avoir quelque chose de spécial, quelque chose de non-défaillant pour avoir été choisis comme ça par Jésus. Avec le temps, on leur a collé une image de sainteté.
« Je te le déclare, c’est la vérité : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. »
Jésus savait, donc. Mais au-delà de ça, je me rends compte surtout à quel point Jésus connaissait Pierre. L’annonce du reniement est un simple constat. Pas un jugement ! Un constat.
Et le reniement qui s’ensuit sonne comme une évidence. Il est à nouveau constat de ce qu’est Pierre dans son humanité. Non pas forcément un lâche, mais un homme que Jésus connaît et aime comme il est, sans jugement et à qui il continue de confier la suite des aventures. Il l’aime comme il est et il lui fait confiance. Il ne cherche pas à l’enfermer dans l’image que l’on projette de tout ce qu’il devrait être pour honorer sa mission. Il le prend comme il est, capable du pire comme du meilleur, et il l’aime comme ça. Point.
Si le chant du coq sonne comme le glas de la désillusion pour Pierre, il est aussi attestation de ce « je t’aime comme ça ».
Pierre pleure certainement de se voir si lâche, il pleure sur la nature de sa conscience. Il se croyait fort, il se découvre fragile. La prise de conscience est féroce. Mais j’aime à penser que ces pleurs sont la marque d’une prise de conscience de se savoir aimé envers et contre tout.
Je ne sais pas vous, mais moi ça me fait pleurer de savoir qu’il y en a au moins un qui m’aime comme ça et qui ne cherchera jamais à me caser dans la boîte de ses idéaux. À défaut de pouvoir compter sur nos congénères pour ça, comptons au moins sur Dieu.
Car c’est avec cette promesse que l’on peut se relever avec des nouvelles forces et, pourquoi pas, bâtir un empire ?

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À propos Ingrid Prat

est pasteure dans le Piémont des Cévennes.

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