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Le nouveau poison de notre société

 

Convertir tout désir de mort en compassion pour les vulnérables vivants ». C’est cet appel éthique que lance Olivier Abel dans son ouvrage. Fruit d’une réflexion mûrie depuis plusieurs années, cet essai tente de rendre compte de la complexité des mécanismes de ce que l’on appelle l’humiliation. Cette passion n’a pas la même temporalité que la violence, et c’est avec un effet retard qu’elle empoisonne les relations affectives et politiques, sans que l’on puisse toujours l’identifier. C’est peut-être parce qu’elle attaque le sujet dans ce qui le constitue, que l’humiliation est si insidieuse et rencontre si peu de riposte organisée pour lui résister. En effet, l’humilié se tait, et nos sociétés, fondées sur une culture majoritairement chrétienne d’un Dieu vaincu et outragé, ont intégré l’humiliation comme un mal dont il ne faut pas se plaindre mais plutôt se réclamer.

L’essai éthique que nous propose Olivier Abel pointe la difficulté de donner le juste poids à nos mots, dans une société où les réseaux sociaux permettent d’organiser l’humiliation dite horizontale, où chacun peut détruire la réputation de l’autre en toute impunité. Entre tragique et dérisoire, la Parole résiste pour garder ce qui fait d’elle le trésor de nos relations : la confiance.

Dans ce théâtre où l’enjeu peut parfois être la vie même, le philosophe appelle de ses vœux des institutions non-humiliantes qui protègent les acteurs que nous sommes en les autorisant à apparaître et disparaître à leur guise, à s’essayer en quelque sorte, sans risquer de devenir la cible de jugements définitifs qui s’apparentent à un désir de mort. Accepter de nous savoir liés les uns aux autres sans pour autant avoir le droit de tout savoir de l’autre est un véritable modèle politique. Nos communautés cultuelles, pour peu qu’elles cultivent le crédit apporté à la Parole de l’autre, ont sans doute vocation à offrir cet espace de liberté et de solidarité nécessaires à toute vie.

Olivier Abel, De l’humiliation, Paris, Les liens qui libèrent, 2022, 224 pages.

 

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À propos Béatrice Cléro-Mazire

est pasteure de l’Église protestante unie de France à Paris - Oratoire du Louvre

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