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Contre les princes

 

L’auteur décrit une politique « perçue comme une course de petits chevaux ambitieux qui, infailliblement, passe à côté des véritables enjeux en bernant les honnêtes citoyens au profit des privilèges d’une caste ». « Nous savons, ajoute l’auteur, au moins depuis Périclès, que le pouvoir est toujours personnifié », d’où le titre de l’ouvrage Le retour du Prince.

« Les princes anciens – détenteurs de la légitimité politique – ont vu leur pouvoir défait ». Claude Lefort a mis à jour la singularité de la démocratie actuelle. Le pouvoir y serait devenu : « un lieu vide, désincarné, permettant l’avènement d’une société historique, en perpétuel mouvement. »

L’auteur prévient : « Ce livre traite d’un paradoxe. Alors que notre époque se caractérise par un désir d’horizontalité politique sans précédent, nous demeurons englués dans l’incarnation. » La vénération du chef est la norme, « le marqueur de leur réussite ou de leur échec tient de nos jours plus à ce qu’ils sont qu’à ce qu’ils font ».

Le livre interroge la nécessité d’hommes forts, également le statut du langage politique ou l’influence des séries. Le propos dénonce le désir d’avoir des chefs et « plus encore notre volonté de ne pas être tenus responsables de notre vie démocratique », d’où le paradoxe.

Plusieurs chapitres expliquent à travers les chefs actuels l’éternel retour de l’incarnation, et de citer Macron, Erdogan, Merkel, Modi, Trudeau ou encore Trump.

Un chapitre intitulé le « kitsch du pouvoir » dévoile le rôle de l’affectif dans le discours, la place de l’émotion. Le pouvoir se fabrique aussi par l’idée de complot et la circulation des fake news.

Les interactions ne sont pas des débats ni des dialogues. Les propos sont souvent sur le mode agressif ou sous forme de monologue, ce qui traduit le repli sur soi. Il faut encore reconnaître le rôle de l’espace numérique. Vincent Martigny souligne la porosité croissante entre fiction et réalité. La série House of Cards, diffusée à partir de 2013, façonne notre représentation du politique et illustre la réalité. « Les gouvernants ne sont plus simplement des décideurs, des réformateurs ou des conservateurs d’un ordre donné ; ils doivent devenir des acteurs qui divertissent leurs concitoyens, par le corps et par les discours. »

Avec Jacques Rancière, Vincent Martigny affirme que la démocratie est le pouvoir de ceux « qui n’ont aucun titre à l’exercer. » « Le citoyen, pris individuellement, est inapte à assurer la charge de la conduite des affaires publiques ; seule l’appartenance à un collectif peut régénérer la démocratie. » Il écrit encore : « C’est l’agrégation des intelligences et non la déresponsabilisation collective qui nous permettra de trouver les voies du monde politique de demain. »

« Les princes n’existent que parce que nous les avons laissés s’approprier la chose publique. Libre à nous de la reprendre pour la vivre. »

La conclusion est un appel à une mobilisation collective pour faire vivre la démocratie. La lecture de Vincent Martigny nous ouvre les yeux sur des dérives que nous connaissions. Il les met en évidence, les dénonce. J’espère que la lecture de cet ouvrage peut mobiliser une volonté de se vouloir un citoyen actif vivant, responsable et courageux.

 Vincent Martigny, Le retour du Prince, Paris, Flammarion, 2019, 224 pages.

 

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À propos Michèle Pourteau

a été enseignante en IUFM pour la formation des professeurs des écoles. À la retraite, elle poursuit des activités de formation, que ce soit au Bénin à Songhaï, centre de formation agricole pour l’élaboration des projets d’entreprise des agriculteurs, ou dans le cadre d’une université de théologie en ligne (domuni.org).

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