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Derrière les murs

 

Christiane Puzenat, qui a été pasteure et a exercé la charge d’aumônier des prisons à Metz, a écrit de courts récits tirés de son ministère, publiés dans le mensuel protestant Renouveau de 2009 à 2017, réédités dans cet ouvrage. L’auteure a pris soin de les présenter sous forme d’un « cheminement » qu’il est utile de souligner : purger une peine rajoutée à la simple peine de vivre ; les particularités du quartier ‘Femmes’ ; la vie derrière les murs ; le havre qu’est l’aumônerie protestante ; vivre ensemble dans un espace clos ; la souffrance, l’amour et la dignité ; les révoltes et les violences ; croire ou ne pas croire mais espérer ; sortir et s’en sortir.

Selon les mots de la préface de Brice Deymié, aumônier national protestant des prisons, Christiane Puzenat « ne se veut ni moraliste, ni prosélyte », « ne donne aucune leçon ni à ceux qu’elle visite, ni à ceux qui sont chargés de les surveiller ». L’auteure a choisi le réalisme, la description, les propos rapportés ; elle partage aussi ses propres questionnements en plus de ceux des détenus. On ressent une forte empathie de sa part pour ces hommes et ces femmes occultés à notre regard. C’est « la prison telle qu’elle est » nous prévient Brice Deymié. En effet, l’auteure a le sens du détail et nous informe, au détour des courts témoignages bruts, sur la vie en prison telle qu’elle est vécue par celles et ceux qu’elle rencontre : pas de montre, pas de matériel adéquat dans la cellule, pas d’intimité… On comprend les différents lieux (la cellule, le parloir, le quartier disciplinaire, etc.), les usages, les rituels, le langage, les bruits… C’est la prison dans le quotidien qui est répétition, contraintes, entraves, ennui : la peine est à comprendre dans les deux sens. Le temps passe : « On punissait autrefois avec une certaine quantité de coups de fouet (…) on punit aujourd’hui avec une certaine quantité de mois ou d’années d’enfermement. Le temps d’incarcération (…) est le moyen de la punition (…) Le détenu est obligé à la répétition et à l’habitude, il est contraint de tuer le temps. » Christiane Puzenat ne cache pas l’absurdité du quotidien, la « distorsion du temps » qui rend la punition incompréhensible, et apporte de gros mots que l’aumônier peut se permettre d’apporter derrière les murs : la dignité, le pardon, la réconciliation.

La postface écrite par Frédéric Rognon, professeur à la faculté de théologie de Strasbourg et ancien président de la commission Justice et aumônerie des prisons de la Fédération protestante de France – auteur de très nombreux ouvrages notamment sur la non-violence – apporte une réflexion sur le sens de la peine à travers plusieurs paradigmes expliqués très synthétiquement : l’expiation ; la protection de la société ; la rétribution ; la réhabilitation ; la restauration ; l’espérance. Chaque paradigme tente de conférer du sens à la peine mais les trois premiers posent problème en soi. La réhabilitation « reste un horizon », la justice restaurative reste expérimentale en France et le sixième permet de donner une fonction aux aumôniers, « serviteurs de l’espérance ».

Christiane Puzenat, Faire route avec… : un aumônier des prisons témoigne, Lyon, Olivétan, 2021, 175 pages.

 

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À propos Olivier Guivarch

est secrétaire national d’une fédération syndicale de salariés, après avoir étudié la théologie protestante et exercé le métier de libraire. Il participe au comité de rédaction depuis 2004.

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