Quand je me remémore mon baptême, reçu à 20 ans, je suis frappé de l’idée que je m’en faisais : c’était comme franchir une porte. Le chemin de la conversion prenait fin. Mais s’il y avait assurément là une porte, le chemin quant à lui continuait par-delà.
La foi nous déracine de nos certitudes mais si elle ne vient pas s’enraciner quelque part elle ne peut porter de fruit. La foi est aussi question d’appartenance et tous les discours théologiques sur l’Église universelle ne sauraient masquer cette réalité. Dans ce domaine, le converti demeure un arbre en pot solitaire qu’on pose à côté de ces forêts aux puissantes et immémoriales racines que sont les vieilles dynasties de la foi. Tel est notamment le cas dans l’Église protestante : être protestant, notamment en France, est aussi une appartenance historique, familiale et culturelle qui se structure autour de pratiques et de sociabilités.
La conversion ne s’achève pas au jour du baptême. Un converti ne cesse jamais d’en être un. Tel un immigré qui ne cesse jamais de se sentir étranger, tel un transfuge de classe qui ne cesse jamais de se sentir en décalage, tel un provincial qui ne se sent jamais correctement parisien. Le converti est fondamentalement un déraciné qui a abandonné les conforts d’un univers culturel et spirituel hérité au profit d’un autre univers globalement inconnu et étranger dans lequel il choisit de s’établir. Et se convertir de l’athéisme à la foi n’est pas la conversion épiphanique et facile que trop de croyants peuvent imaginer. L’athéisme est aussi un univers culturel, social et spirituel qui peut avoir de puissantes racines héritées de plusieurs générations : au XXIe siècle, les religions n’ont plus le monopole dynastique.
Là est un défi pour nos Églises modernes qui ne peuvent se contenter de vivre sur l’acquis des dynasties enracinées et de leurs puissantes racines. Elles doivent offrir à ces plantes déracinées que sont les convertis une terre meuble et stable où déployer leurs jeunes racines.
Pour faire un don, suivez ce lien