La femme porte sur ses épaules la moitié du ciel », disait Mao-Tsé Toung. Autrement dit, en toutes circonstances, elle devrait être à parité avec l’homme. On est vraiment loin du compte dans la Bible ! Parfois, les personnages féminins n’y sont même pas désignés par leur nom : anonymes, la fille de Jephté (Juges 11, 34) ou les sœurs de Jésus dont on ne sait pas, non plus, le nombre (Matthieu 13, 56) et tant d’autres, tout aussi anonymes ou mises entre parenthèses.
On peut donc se réjouir de voir une étude consacrée à dix femmes de la Bible. Cependant, comme le note Élisabeth Parmentier dans sa préface, à la différence des théologiennes féministes qui insistent sur l’importance historique de certaines femmes dans le texte biblique, Egbert Rooze les évoque plutôt en tant que figures symboliques. Les récits les concernant sont à ses yeux comme autant de midrashs : ces récits rabbiniques qui se soucient bien moins de leur authenticité factuelle que des réflexions qu’ils peuvent suggérer au lecteur ou à l’auditeur. Pour avoir aidé un vieil homme d’origine juive à rédiger ses mémoires, j’ai pu constater, il y a quelques années, que la tradition du récit midrashique était encore bien vivante de nos jours !
Egbert Rooze nous incite à une lecture symbolique pour ne pas dire symboliste des personnages qu’il met en scène. D’où le titre étrange que l’auteur français a choisi pour ce livre qui nous vient des Pays-Bas : Femmes symboliques. Au départ, l’auteur avait intitulé son livre « Femmes héroïques ». En fait, ces personnages bibliques n’ont pas nécessairement accompli des actes de bravoure, mais sont les héroïnes de récits qui donnent à penser, voire à méditer.
Un autre intérêt du livre, c’est que l’auteur entend porter un « regard vraiment judéo-chrétien » sur les textes bibliques de référence, même ceux de l’Évangile. D’où le choix éditorial d’utiliser la traduction d’André Chouraqui pour les citations. Celle-ci a parfois des traits de génie mais par ailleurs des interprétations pour le moins étranges (toute traduction est une interprétation). Quelle idée, par exemple, de parler d’adhérence plutôt que de foi : la foi n’est tout de même pas une métastase !
Bref, le livre nous entraîne dans une lecture renouvelée de ces textes que l’on croyait bien connus voire trop connus. Son décryptage symbolique surprend souvent, paraît parfois discutable ou « tiré par les cheveux ». Cependant, malgré ou à cause de ces interprétations hardies, le livre paraît intéressant à plus d’un titre. D’une part en raison de son contenu : mettre en lumière dix héroïnes bibliques qui méritaient bien les feux de la rampe. D’autre part, sa méthode d’approche originale des textes est de nature à enrichir et diversifier notre lecture de l’Écriture Sainte, qu’il faut se garder de sacraliser si l’on espère y entendre les échos de la vivante Parole de Dieu.
Egbert Rooze, Femmes symboliques de la Bible, Olivétan, Lyon, 2021, 154 pages.
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