L’Avent : pas très protestant ?

Les quatre dimanches qui précèdent Noël rythment le temps de l’Avent (du latin advenire, venir, advenir). L’accent y est mis sur la préparation et l’attente de la venue du Sauveur, temps d’appel à la transformation, à la repentance et à la confiance. Il s’agit du début de l’année liturgique pour une partie des chrétiens – pour les orientaux, elle débute en septembre. Quant à l’Avent, il constitue, pour les orthodoxes, un des temps de carême.

La petite histoire raconte qu’un catéchète de Hambourg, vers 1820, las de toujours répondre à la même question des enfants (c’est bientôt Noël ?), fixa des bougies sur une roue de char, une par jour de l’Avent, pour indiquer l’attente et sa progression. Ainsi serait née la couronne de l’Avent, qui se réduisit rapidement à une bougie par dimanche.

Dans nombre de temples réformés français, c’est le seul moment où l’on tolère des bougies sur la table de communion. On y est en effet réticent à tout signe visuel, par crainte de ce qui « fait catholique ». Longtemps on ne s’est pas attaché, du reste, à différencier des temps liturgiques. Le dimanche suffisait. Aux contacts œcuméniques, et désormais en lien avec la tradition luthérienne, les Églises réformées se sont réapproprié ces temps, par exemple en instaurant des livrets liturgiques spécifiques.

Les recueils de chant contiennent des cantiques propres à cette période. Le plus représentatif est peut-être « Viens, ô Sauveur des païens… ». D’une part, il est inscrit dans la plus ancienne tradition : la mélodie est de Luther (1524), qui s’inspire d’un hymne du ive siècle. D’autre part, il souligne la venue du Christ, et invite à l’accueillir, c’est-à-dire à se reconnaître en manque, en besoin de ce qui est offert en lui.

Pour d’autres, par exemple en Suisse alémanique, l’Avent est un temps social fort : les paroisses proposent généralement un atelier pour venir confectionner ses propres bougies (Kerzen ziehen), geste auquel beaucoup sont attachés et accordent une signification spirituelle. Ailleurs, on confectionne des couronnes. Parfois on associe les quatre bougies de la couronne aux vertus dites théologales, foi espérance et amour, ainsi que paix, régulièrement invoquée au temps de Noël.

Le temps de l’Avent est à la fois indissociable de Noël et pourtant distinct. Les inévitables calendriers de l’Avent, allant du 1er au 24 décembre, renforcent sans doute la prépondérance de Noël. La période peut aussi être noyée dans la frénésie mercantile et la sensiblerie naïve qui la marquent par ailleurs, si l’on m’autorise ce bref point critique.

On voit toutefois apparaître des tentatives intéressantes de se saisir de l’idée de calendrier pour en faire une occasion de rencontres. On peut observer, ici ou là, dans une rue, un village, un quartier, des calendriers de l’Avent collectifs, constitués de fenêtres décorées et éclairées, une par maison ou appartement, une pour chaque jour. Souvent sous l’impulsion de paroisses ou de membres d’Église, des visites s’organisent, soit sous forme de promenades collectives nocturnes, soit sous forme d’accueil chez l’habitant, chaque soir chez la personne qui a décoré la fenêtre du jour.

J’y discerne une volonté de lien social, un désir de communion humaine, mais aussi une soif spirituelle. Le calendrier devient alors un témoignage créatif, à la fois personnel et communautaire, porteur d’un message à plusieurs niveaux. Du point de vue théologique et spirituel est ainsi manifesté que l’attente du Christ et la rencontre de la voisine, du voisin sont deux aspects indissociables de la quête de Dieu.

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