Cet homme que Jésus voit couché, au bord de la piscine de Bethzatha, paralysé depuis 38 ans, se trouve enfermé dans la tradition et dans une certaine superstition. Il ne peut guérir, dit-il à Jésus, que si l’eau s’agite, quelqu’un le prend et le plonge dans l’eau et s’il est le premier arrivé dans l’eau. Mais qu’est-ce donc que toute cette mise en scène, subsistance du paganisme? Veut-il vraiment guérir ? Ne s’est-il pas résigné à son état depuis 38 ans qu’il est paralysé?
Les nombres dans la Bible ne sont jamais donnés au hasard. Et 38, c’est le nombre d’années que le peuple hébreu, pendant l’exode, resta à Qadesh-Barnéa, aux portes et au sud du pays de Canaan, parce qu’il avait manqué de foi et avait eu peur d’affronter les Cananéens. Après avoir traversé le désert du Sinaï en 2 ans, selon les livres du Pentateuque, le peuple resta aux portes de la terre promise pendant 38 ans, à faire du sur-place, après plusieurs tentatives infructueuses d’entrer en Canaan. Au bout de ce temps-là, le peuple put enfin s’installer en Canaan et connaître la liberté dans ce pays où ruisselaient le lait et le miel.
Ce clin d’oeil au manque de foi du peuple hébreu accrédite la thèse suivant laquelle l’infirme faisait du surplace aux portes, non pas de Canaan, mais de la piscine, par manque de foi et de courage et peut-être qu’il n’était pas vraiment paralysé. C’est bien ce que soupçonne Jésus puisqu’il lui demande : veux-tu vraiment guérir ? Et l’homme ne répond pas et se réfugie dans le défaitisme et la superstition : « Personne ne me plonge au bon moment dans l’eau. » Toute cette histoire d’eau qui devrait s’agiter n’est-elle pas une bonne raison pour rester couché ? Comme le sabbat pourrait être une bonne raison certains jours pour ne pas sortir de chez soi et ne pas être attentif à l’appel des hommes ? Alors que l’infirme base son comportement sur des pratiques plus ou moins héritées du paganisme, Jésus, lui, pose la vraie question : veux-tu vraiment guérir ? Au-delà de tous les arguments qui te donnent envie de rester couché au bord de la piscine. Veux-tu guérir ? Puisque le paralysé ne répond pas, Jésus répond positivement à sa place et lui transmet la foi qui lui manque : Lève-toi, prends ton grabat et marche.
Justement le jour du sabbat, on n’a pas le droit de porter son grabat. Justement « lève-toi », c’est en grec egeire, le même verbe que pour ressusciter. Ressuscite, prends ton grabat et marche, pourrait-on traduire. La guérison n’est pas une question de magie, ou d’attente indéfinie au bord de l’eau que quelqu’un vienne vous prendre, mais de volonté, de foi, de confiance. Comme les fils d’Israël se sont levés d’Égypte et, au bout de quarante ans, dont 38 passés à attendre, ont trouvé finalement leur libération. La résurrection, c’est maintenant quand on n’attend plus la magie du miracle. Elle est dans ce « lève-toi et marche » répété cinq fois dans le texte et présent aussi dans les autres récits de guérisons. L’ancien paralysé est devenu libre de ses mouvements, libre de marcher, d’aller où il veut. Il peut enfin vivre. La liberté, c’est toi qui la prends, en ne cherchant plus à suivre sans réfléchir la tradition religieuse, en décidant toi-même de te relever et de marcher, quel que soit le jour et quelle que soit l’agitation de l’eau. Jésus montre à ceux qui restaient couchés qu’il faut vouloir marcher et qu’il ne suffit pas d’attendre.
Ne prenons pas cette rencontre à la lettre et n’allons pas croire évidemment, que toute guérison est affaire de volonté, hélas. Nous ne le savons que trop. Mais l’évangile parle ici de ces guérisons dans la tête, de ces guérisons de l’âme, de ces abattements qui résultent de notre médiocrité et qui nous laissent à terre, paralysés, incapables de nous relever et n’attendant plus que le miracle.
C’est aujourd’hui jour de fête, lève- toi et marche. u
H.
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